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pure. La bonne graine est luisante, brune & pesante.

Lorsqu’on juge que la plante est bien mûre, on la fauche par un temps sec, on la laisse exposée à l’ardeur au soleil pendant plusieurs jours de suite ; enfin elle est portée sous un hangard dans un lieu sec, afin d’être battue pendant l’hiver par un temps sec.

J’ai dit que le légume s’ouvroit difficilement, & que la semence avoit beaucoup de peine à s’échapper ; il faut donc ne pas se lasser de battre avec les fléaux, d’enlever les gros débris, de vanner souvent, & de battre de nouveau ce qui vient d’être vanné ; en un mot, il faut de la patience pour séparer la graine, c’est pourquoi l’on choisira pour cette opération la saison de l’hiver où l’on est le moins occupé. On doit bien se garder de porter au fumier les petits débris, ils retiennent encore trop de graines, & le fumier transporté sur les champs, elles germeroient, & donneroient ensuite beaucoup de peine à détruire.

Plusieurs auteurs avancent que la graine cueillie depuis plus d’une année ne lève pas ; cela leur est peut-être arrivé, puisqu’ils le disent, mais je réponds, qu’ayant fait arracher des mûriers dans une luzernière, & n’ayant pas de graine fraîche, j’en hasardai une de quatre ans, qui a très-bien réussi ; cependant, dans le doute & pour prendre le parti le plus sûr, il vaut mieux choisir de nouvelle graine, mais dans le besoin ne pas négliger l’ancienne. Ne pourroit-on pas attribuer cette diversité d’opinions aux effets de la diversité des climats sur la plante ; la luzerne est indigène aux provinces du midi du royaume, & exotique à celles du nord, où on la naturalise de plus en plus, si toutefois l’assertion des auteurs à cet égard est vraie.

II. Du temps de la semer. Indiquer une époque fixe seroit induire en erreur ; elle dépend & du climat, & de la saison. Dans les provinces du midi il y a deux saisons, l’une dans le courant de septembre, & l’autre à la fin de février, de mars, & au plus tard, à moins que les circonstances accidentelles ne s’y opposent, jusqu’au milieu d’avril. Les semailles faites en septembre, gagnent une année ; dans la suivante on coupe cette luzerne comme les autres ; il faut cependant observer qu’elle fleurit plus tard, & qu’ordinairement on a une coupe de moins. Dans celles du nord, on doit semer dès qu’on ne craint plus l’effet des gelées ; c’est le point d’après lequel on doit se conduire, & laisser de côté l’époque de la fête de tel ou tel saint, ou bien ne l’admettre que comme une généralité pour le canton. La longueur de l’hiver de 1785 a singulièrement mis en défaut cette espèce de calendrier. Une gelée un peu forte détruit la luzerne lorsqu’elle sort de terre. Il sera prudent de ne pas se hâter de jouir, & de ne se permettre d’abord qu’une seule coupe, afin de ne pas épuiser la plante, &, surtout pour que son ombre ait le temps de faire périr les mauvaises plantes.

À l’époque où l’on ne parloit en France que de nouveaux semoirs, de nouvelles machines, totalement oubliées aujourd’hui, leurs partisans s’en servoient, & trouvoient admirable de voir les tiges de luzerne bien allignées, peu serrées, &c., enfin de les entretenir telles à l’aide d’une charrue, (Voyez ce mot) nommée cultivateur. Ces opérations sont très-