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brûlantes de l’Inde ou de l’Amérique, perdent bientôt leur blancheur ; cette dégradation non-seulement se perpétue, mais elle augmente encore de race en race ; & qui sait si ce n’est pas la seule cause originelle de la couleur noire de certains peuples ?

En réfléchissant sur les idées que nous avons données de la manière dont les plantes se coloroient, (Voyez le mot Couleur des plantes) on verra qu’on peut en faire assez facilement l’application à la coloration accidentelle de la peau de l’homme, & la lumière, comme principe acide, pénétrant à travers l’épiderme dans le réseau de Malpighi & dans le parenchyme, fait entrer en fermentation le suc dont il est imbibé ; du degré de fermentation résulte le degré d’altération, & de ce dernier la nouvelle couleur qui paraît à travers l’épiderme. Que les amateurs des beautés de la figure, se consolent, cette blancheur de lys, cet éclat de fraîcheur qu’ils regrettent tant lorsque la lumière l’a fait disparaître, n’est pas perdu pour jamais ; la nature, trop bonne, travaille à chaque instant à leur rendre ce qui excite leur regret. Que l’habitant efféminé de la ville, qui, pour varier ses ennuis, a fui un instant dans la campagne, & a osé exposer au grand jour sa peau délicate, ne se désespère pas si elle s’est hâlée un peu, qu’il rentre dans ses murs, la privation du plus grand des biens, de la lumière, lui rendra bientôt sa blancheur. Vil esclave d’une beauté passagère, que de plaisirs, que de jouissances dont il se prive pour la conserver !

Nous n’avons que très-peu d’observations sur l’influence de la lumière sur les animaux, cependant nous en citerons quelques-unes, qui nous serviront à nous mettre sur la voie pour en faire de nouvelles,

Il est constant que les climats où la robe des animaux, & le plumage des oiseaux, sont peints des plus riantes & des plus vives couleurs, sont ceux qui sont éclairés plus constamment par un soleil sans nuage, comme les régions renfermées sous la zone torride ; plus nous nous éloignons de ces climats, plus nous approchons des régions polaires, où de longues nuits privent la terre de la bénigne influence de la lumière, & plus l’animal prend une teinte pâle, lavée, grise & blanche ; les ténèbres d’un hiver de six mois affectent tellement certains animaux, qu’ils changent absolument de couleur, & qu’ils deviennent blancs durant cette saison rigoureuse, pour reprendre leur première parure si tôt que le soleil reparaît sur l’horizon. M. Scheele cite un trait plus frappant encore & plus direct de l’effet de la lumière sur la nereis palustris, qui, dit-il, est rouge lorsqu’elle vit au soleil, & blanche dans l’obscurité.

Les productions animales nous étant souvent plus utiles que les animaux mêmes, ont été beaucoup plus étudiées, & on s’est apperçu bientôt que la lumière les affectoit sensiblement L’industrie humaine a su en tirer parti, les Chinois blanchissent leur soie en l’exposant au soleil : nous en faisons autant pour la cire, le suif, les toiles de chanvre ou de lin. La liqueur de certains animaux, blanche quand elle circule dans leurs vaisseaux, rougit aussitôt qu’elle est en contact avec la lumière ; telle est celle de certains coquillages que l’on trouve au bord de la mer, & dont les an-