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cile d’en secouer le joug. Les partisans de la méthode de M. de Laquintinie ne croiront pas sur paroles, & ils demanderont des preuves sur la supériorité de celle des Montreuillois. Sans entrer ici dans aucune discussion, je leur dirai seulement, on voit encore aujourd’hui à Montreuil des pêchers plantés à la fin du siècle dernier. Que l’on cite un pareil exemple dans les fruitiers de M. Laquintinie, & dans tout le reste du royaume. M. Laquintinie connut le genre de culture de ces bons travailleurs, mais trop attaché à la méthode qu’il avoit imaginée, & encouragé par les louanges qu’un grand Roi & la nation lui prodiguoient, il crut au-dessous de lui de devenir imitateur. Il avoit fait venir le jeune Pepin, cultivateur de Montreuil, qui tailla en sa présence plusieurs arbres, mais Laquintinie jaloux ou enthousiaste de sa propre méthode, se hâta de le congédier, & Pepin de retourner à son village y cultiver l’héritage de ses pères.

Section Première.

De la formation des Jardins fruitiers.

Ils supposent nécessairement une plus grande profondeur à la couche de terre végétale que celle des légumiers, afin que le pivot des arbres plonge & s’enfonce sans contrainte, & sur-tout sans être forcé de s’étendre horizontalement. Ceci demande des développemens, & éprouvera beaucoup de contradiction. Comme chacun a sa manière de voir, si on condamne la mienne, je ne force personne à l’adopter.

J’établis en principes 1°. Qu’on ne doit planter aucun arbre dépouillé de son pivot. 2°. Que tout arbre doit être greffé franc sur franc ; il résulte donc de ces deux assertions que pour se procurer un bon & excellent jardin fruitier, il faut une couche de terre qui ait beaucoup de profondeur. On concluroit à tort que je désapprouve les jardins fruitiers dont la couche de terre franche n’a que trois ou quatre pieds, & qui porte sur une couche de gravier ou de pierrailles &c. Lorsqu’il n’est pas possible de se procurer un autre sol, on est forcé de se contenter de celui-là, il est inutile alors de laisser le pivot, & de ne planter que des arbres greffés franc sur franc. Ces exceptions ne détruisent pas les deux assertions générales, elles les confirment au contraire, puisque nulle règle sans exception. Mais je persiste à dire que celui qui est assez heureux pour avoir un grand fond de terre & de bonne terre, doit en profiter & en tirer le meilleur parti. Je conviens que des arbres ainsi plantés resteront plus long-temps à se mettre à fruit, sur-tout s’ils sont taillés suivant la marotte ordinaire ; que certaines espèces réussissent mieux greffées sur cognassier, sur prunier, &c. Il ne s’agit pas ici de quelques exceptions particulières, mais de la masse des arbres fruitiers considérée dans son ensemble. En suivant les procédés que j’indique, on ne sera pas obligé de remplacer chaque année un grand nombre d’arbres & souvent un tiers ou une moitié après la première année de la plantation ; enfin, on aura des arbres forts & vigoureux qui subsisteront pendant plusieurs générations d’hommes. J’ose dire plus, si un particulier avoit la patience d’atten-