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La manière d’arracher le lin, est par poignées, que l’on étend sur le sol, écartées les unes des autres, les têtes du même côté, & tournées vers le midi, afin que la chaleur du soleil les frappe mieux. Si on peut se procurer facilement pour ce travail des enfans ou des femmes, on les chargera de retourner ces plantes chaque jour, & ils se serviront, pour cette opération, de fourches de bois, dont les fourchons soient rapprochés. Le but de cette opération est de dessécher également la plante des deux côtés, & de lui faire perdre une partie de sa couleur, par l’action du soleil qui agit sur l’écorce comme sur la cire lors de son blanchissage.

Cette méthode n’est pas suivie par-tout. Dans quelques-unes de nos provinces, on place un certain nombre de poignées de lin les unes contre les autres, les racines en en-bas & écartées, afin que la masse réunie forme une espèce de cône. Cette manière de dessécher est fort bonne, parce qu’il s’établit un courant d’air entre chaque pied de lin. Si la saison est favorable, il ne faut que trois ou quatre jours pour mettre les capsules dans le cas de s’ouvrir & de lâcher leurs graines ; mais des paquets trop épais, trop serrés, nuiroient à la dessication des plantes de l’intérieur. Si le pays est sujet à des coups de vents, à des raffales, il faut recourir à la première de ces méthodes, & abandonner celle-ci, parce que la moindre agitation de l’air renverseroit ces espèces de petites meules, & en raison de leur dessication, feroit répandre la graine sur le sol. Dans les provinces méridionales il vaut beaucoup mieux étendre sur terre & clair, les poignées que l’on vient d’arracher,

la chaleur est assez forte pour dissiper leur air & leur eau, surabondans de végétation & de composition. Dans celles du nord, l’opération est beaucoup plus longue, & le retournement fréquent des tiges beaucoup plus nécessaire.

Après l’exsication, il vaut beaucoup mieux égrainer les tiges sur le lieu même, que les transporter entières, ou à la métairie, ou près du rouissoir, afin d’éviter la perte de celles qui tomberoient en chemin. À cet effet, on étend de grands draps sur le sol, & sur ces draps on place une espèce de banc d’une longueur proportionnée au nombre des ouvriers destinés à séparer les graines : c’est encore l’ouvrage des femmes & des enfans. De la main gauche ils saisissent une poignée de lin, du côté des racines, ils posent les têtes de la plante sur le banc, & avec un battoir de blanchissage, ils frappent sur les capsules, qui s’ouvrent & laissent tomber leurs graines sur les draps. D’autres femmes, ou d’autres enfans présentent de nouvelles poignées aux batteurs, & ceux-ci rendent les poignées battues à d’autres qui les rassemblent & les lient en bottes, de manière qu’on peut tout de suite les porter au rouissoir. L’opération, ou la journée finie, on vanne la graine, afin de la séparer des débris des capsules, & on la porte aussitôt sur les lieux où elle doit être conservée. Il est prudent, suivant les cantons, d’exposer les tiges pendant quelques jours à l’ardeur du gros soleil, afin de dissiper un reste d’humidité qui feroit fermenter le monceau, & nuiroit beaucoup à la qualité de la graine. Chaque soir on la renferme, afin de la soustraire à l’humidité de la nuit ; au serein, à la rosée, &c.