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Zélande leur en fournit beaucoup, & ils la mêlent avec celle qu’ils tirent de Riga en Livonie, ou de Liban en Courlande. Quand elle est bien choisie, qu’importe le pays où elle a été récoltée. Cela est si vrai, que nos graines de lin de France servent à régénérer l’espèce de celles du nord de l’Europe, & qu’elle réussit aussi bien en Livonie, &c. que celle de Livonie dans notre pays. Le point essentiel est la qualité de la semence, & sa transplantation d’un pays dans un autre. Il est à présumer que cette graine nous est fournie par une compagnie qui s’est appropriée ce commerce exclusivement dans le nord. Si les hommes étoient moins esclaves de l’habitude, s’ils sçavoient ou vouloient s’écarter des sentiers battus, nous aurions en France de quoi satisfaire nos besoins sans recourir à l’étranger. La Provence, le Languedoc fourniroient, à peu de frais, la Normandie, la Bretagne & toutes nos côtes de l’Océan ; celles-ci l’intérieur du royaume, & l’échange de semence d’une province à une autre, suffiroit pour l’amélioration du lin. Cette manière de voir s’éloigne des idées reçues ; malgré cela, j’ose avancer que la graine récoltée au midi, & semée au nord, doit y prospérer plus que celle du nord semée au midi. L’expérience a prouvé que le lin a très-bien réussi au Sénégal & en Amérique, il ne redoute donc pas les grandes chaleurs, pourvu que l’on donne à la terre le degré d’humidité qui lui est nécessaire. Le lin craint l’effet des grandes gelées d’hiver ; les gelées tardives du printemps lui sont funestes : donc, il y a lieu de présumer qu’il est originaire des pays chauds. Si la plante étoit indigène à nos provinces, son tissu ne seroit pas détruit par la gelée.

Si on n’est pas à portée de renouveller ses semences, on peut conserver celles de la dernière récolte, mêlée dans des sacs, avec de la paille hachée très-menu, & le tout mêlé intimement : les sacs doivent être tenus dans un lieu sec où il y ait peu de courant d’air. On garde ainsi la graine pendant un an ou deux, & par ce moyen elle reprend un peu de qualité. Cet expédient n’équivaut pourtant pas au changement de semences.

Il y a plusieurs manières de juger de la qualité des graines. L’habitude de les voir & de les comparer est la meilleure, & un Hollandois ne s’y trompe jamais. On prend une poignée, c’est-à-dire autant que la main peut en contenir, en serrant les doigts ; à mesure qu’on les serre, les graines s’échappent par en-haut & par les pointes. Si elles sont pointues & minces, la graine est pareillement mince & maigre ; si, au contraire elles sont arrondies & bien fournies, toute la graine a la même qualité. Elle doit aussi être ferme & unie. Si ses bords sont rudes, inégaux ou rongés, la graine est défectueuse. Si sa couleur n’est pas bien foncée & luisante, c’est une preuve que la graine est peu nourrie. Si on jette une petite poignée de graines dans un vase rempli d’eau, les bonnes iront à fond, & les mauvaises surnageront. Pour juger de la quantité d’huile qu’elles contiennent, il suffit de jeter une poignée de graine sur des charbons ardens, la bonne pétille & s’enflamme aussitôt. De la qualité de la graine, dépend en très-grande partie l’abondance de la récolte.

IV. De la quantité de semence à