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suite un très-grand nombre de procès, toujours très-dispendieux par les descentes & les vérifications des commissaires. Un bon père de famille ne doit jamais laisser ses possessions sans être déterminées par des limites, surtout si elles confinent celles des gens de main-morte, des grands chemins, les bords des rivières, &c. Les gens de main-morte ne meurent jamais, leurs biens sont entretenus avec soin, & souvent ceux des particuliers ne le sont pas, ou changent de maîtres. Eux ou leurs fermiers profitent de cette espèce d’abandon, du peu de connoissance des nouveaux propriétaires, & ils empiètent sourdement, & peu-à-peu, sur leurs possessions : ces exemples ne sont pas rares. Il faut ensuite intenter des procès pour rentrer dans son bien, & ils écrasent en frais le malheureux cultivateur qui n’est pas assez riche pour lutter contr’eux.

La seconde manière de placer les limites, est lorsque la fosse est ouverte dans l’endroit convenu, d’y jeter la pierre, & de mettre de chaque côté ce qu’on appelle les témoins. On prend à cet effet une pierre dure, dans le genre des cailloux, que l’on partage en deux, & après avoir examiné si les deux morceaux séparés sont dans le cas d’être rejoints, & s’ils représentent la pierre primitive, alors on les sépare, & on les range un de chaque côté du champ que la limite divise. Cette méthode est très-bonne, ainsi que celle dans laquelle on se sert d’une brique également divisée ; mais pour plus grande sûreté, je désirerois qu’on ajoutât du charbon sur l’un & sur l’autre côté.

On ne doit jamais planter des limites sans en dresser un procès-verbal, fait double & signé par les parties intéressées, & joindre au procès-verbal le plan figuré du champ, & la spécification exacte de son étendue. La plus grande précision, sans doute, exigeroit de mesurer la distance qui se trouve, par exemple, entre un pont, une église, &c. & la limite qu’on a plantée il est impossible qu’avec de semblables précautions il survienne des procès.

Dans les plaines & dans tous les lieux sujets aux atterrissemens, il convient de placer des limites qui s’élèvent au-dessus du sol d’un à deux pieds, & dès qu’on s’aperçoit que la surface du terrein s’élève & commence à couvrir la partie supérieure de la limite, appeler les voisins intéressés, & en planter de nouvelles. Sur les montagnes, au contraire, & sur les plans très-inclinés, il convient de planter profondément les limites, parce que la terre, sans cesse entraînée par les eaux pluviales, laisse bientôt leur bâse à nud si elle est peu profonde. Un père de famille ne peut être tranquille, ni à l’abri des chicanes & des extorsions de ses voisins, qu’autant que ses possessions sont exactement déterminées par des limites.


LIMON. LIMONEUX. Terre grasse, onctueuse, communément très-végétale, déposée par les eaux. L’eau de pluie précipite un limon, & celui de la rosée est plus abondant. Les terres qu’on retire des fossés, des étangs, en un mot des endroits où les eaux ont séjourné, sont grasses, limoneuses, & contiennent beaucoup de cet humus, de cette terre végétale soluble dans l’eau dont j’ai si souvent