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difficile digestion, & une cicatrice très-épaisse qui peut s’être faite dans quelque partie du tube intestinal. Cette dernière cause a été observée & admise par Aetius & Celse elle paroît néanmoins chimérique, & ne paroît pas pouvoir contribuer à la lienterie, puisque le siège de celle-ci est dans l’estomac & non dans les intestins.

Buchan nous apprend que lorsque la lienterie succède à la dyssenterie, elle a les suites les plus funestes. Si les selles sont très-fréquentes, ajoute ce médecin, si les déjections sont absolument cruës, c’est-à-dire composées d’alimens peu ou point changés, si la soif est considérable, les urines en petite quantité, la bouche ulcérée, le visage parsemé de taches de différentes couleurs, le malade est en un très-grand danger.

Le traitement de la lienterie diffère peu de celui de la dissenterie. Pour la combattre avec succès, il ne faut jamais perdre de vue la cause véritable qui l’a produite on commencera par faire vomir les malades avec l’ipécacuana, si l’estomac & le reste des premières voies sont embourbés des sucs putrides. On insistera ensuite sur les purgatifs, avec lesquels on combinera toujours l’ipécacuana à petite dose.

Mais ces remèdes seroient dangereux, ou tout au moins inutiles, si la lienterie dépendoit d’un relâchement extrême de l’estomac, ou de sa trop grande irritation. Dans le premier cas, les toniques assez actifs, tels que l’ipécacuana en poudre, donné toutes les heures à la dose d’un grain, l’infusion des feuilles d’oranger, de petit-chêne, le quinquina donné en poudre, les martiaux, les bains froids, seroient le plus grand bien. Ils seroient contraire très-nuisibles, si l’estomac étoit irrité ; ils augmenteroient encore plus la tension de ses fibres ; il vaut mieux alors employer les adoucissans & les relâchans, tels que la saignée, les bains tièdes, l’eau de veau, celle de guimauve, les bouillons adoucissans & les narcotiques.

Si la lienterie reconnoît pour cause un ulcère de l’estomac, on donnera alors les vulnéraires détersifs, comme les infusions de feuilles de véronique, de lierre terrestre, de mille-feuille, adoucies avec le miel de Narbonne ; & les différens baumes naturels. Enfin, on opposera à chaque cause un traitement approprié.

Jusqu’ici on n’avoit pas connu de remède spécifique contre la lienterie. Depuis environ dix ans, on se sert en Europe de la racine de colombo, qui produit les plus heureux effets dans la lienterie la plus invétérée. Pringle, Percival, Gaubius, Tronchin & Bûchan la recommandent comme le plus excellent remède qu’on puisse employer contre cette maladie ; ce dernier en rapporte deux exemples frappans, comme on peut s’en convaincre dans sa médecine domestique. M. Duplanil, célèbre médecin, à qui nous sommes redevables de la traduction de cet excellent ouvrage, remarque que cette racine nous est apportée de la ville de Colombo dans l’île de Ceylan. Cueillie récemment, elle purge par haut & par bas ; séchée, on l’emploie dans ces contrées comme stomachique ; dans les fièvres intermittentes & les diarrhées, à la dose d’un demi-gros, trois ou quatre fois par jour.

Buchan veut qu’on la donne plusieurs fois dans la journée, sous forme de bol, à une plus petite dose, c’est-