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beaucoup moins dans les années pluvieuses & froides, parce que le mucilage, & sur-tout la partie sucrée, sont moins rapprochés dans le raisin, & que sous une même quantité de fluide les principes sont moins abondans & moins rapprochés que dans les années sèches & chaudes. Il y a plus de véhicule aqueux. Voici un point de fait qui paroîtra contradictoire avec ce que je viens de dire. Les vins des provinces méridionales déposent moins de lie que ceux des provinces du centre du royaume ; cependant il y a une plus grande maturité dans les premiers, & par conséquent plus de principes rapprochés dans une masse donnée de fluide. Cette différence très sensible, provient de la qualité du raisin que l’on cultive : telle espèce en fournit beaucoup plus qu’une autre. Un vin qu’on laisse longtemps cuver, & qu’on ne tire que lorsque la fermentation, (Voyez ce mot) est complettement cessée, & lorsqu’il est clair & limpide, suivant la mauvaise coutume de la majeure partie des vignerons de Provence & de Languedoc, &c. donne très-peu de lie ; elle a resté adhérente aux grappes ou aux pellicules. Ainsi, pour conclure de la qualité des vins par les lies, il faudroit connoître l’espèce de raisin qui les a faits ; le pays d’où il vient ; quelle a été la constitution de l’été & de l’automne ; mais toutes les fois que des lies on retirera beaucoup de tartre, on peut assurer que le vin étoit généreux, qu’il contenoit beaucoup d’esprit ardent, parce que le tartre, insoluble dans l’eau, ne se sépare du vin qu’autant qu’il se forme d’esprit ardent. Les lies des vins nouveaux en contiennent très-peu. Les principes constituans les lies, sont une terre calcaire, extrêmement fine & divisée, une partie du mucilage du vin, & plus ou moins de la partie colorante du raisin, suivant son espèce ; enfin, la portion du tartre qui ne s’est point cristallisée contre les douves du vaisseau qui a contenu le vin.

La matière terreuse est le vrai humus, la terre végétale & soluble dans l’eau ; c’est l’excédent de celle qui a servi à la végétation du cep, & à la charpente du raisin ; enfin, celle qui est montée avec l’eau de végétation, dès que cette dernière a été dans l’état savonneux. (Voyez le mot Amendement, & le dernier chapitre du mot Culture.)

La matière mucilagineuse est également le surplus du principe muqueux contenu dans le vin. C’est ce mucilage qui donne à la liqueur le moëlleux & l’amiable : trop de mucilage la rend liquoreuse, & quelquefois pâteuse. Tels sont les vins muscats qui n’ont pas été collés. Ce muqueux est également monté avec la sève dans son état savonneux ; enfin, c’est la partie la moins élaborée du mucilage qu’on retrouve dans la lie.

La partie colorante qu’on y voit, est celle qui n’a pas été dissoute par l’esprit ardent ; elle a simplement été étendue dans la liqueur, & non dissoute. Par exemple, si on presse du raisin rouge, tel qu’on l’apporte de la vigne, sans qu’il ait fermenté, on aura une liqueur rouge, mais la partie colorante y sera seulement étendue & non dissoute ; elle sera comme le cinabre délayé dans un verre d’eau, sans addition de gomme, & cette eau restera rougie tant qu’elle sera agitée ; & enfin reprendra sa couleur naturelle après avoir précipité la terre minérale. Il en est ainsi du moût, il y a ex-