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S’il existe des signes de putridité, on purgera le malade de manière à ne point exciter d’irritation dans l’estomac, mais néanmoins assez énergique pour pouvoir débarrasser les premières voies de la saburre qui peut les surcharger.

Cela fait, on combattra l’âcreté des humeurs par un long usage des bains domestiques, par beaucoup de boissons adoucissantes, telles que le petit-lait nitré, ou coupé avec la fumeterre, les bouillons adoucissants faits avec les plantes chicoracées & les escargots de vigne, l’eau de veau seule ou nitrée, une décoction légère de racines de salep, le suc des plantes antiscorbutiques, les eaux acidules, prises seules, ou coupées avec une partie de lait bien écrémé.

Le mercure a été regardé de tout temps comme le vrai spécifique de cette maladie : il peut produire de bons effets, mais il doit être administré avec prudence & ménagement. On ne doit y avoir recours qu’après avoir bien détrempé, délayé & adouci la masse des humeurs. On l’employe ordinairement sous forme de friction ; cette manière de le donner n’exclud pas celle de le prendre par la voie de la digestion : on le combine alors avec quelque conserve agréable au goût.

Ce remède, si vanté par les auteurs qui ont le mieux écrit sur cette maladie, répond très-rarement au succès qu’on se croit en droit d’en attendre ; il est très-ordinaire de voir reparoître sur la peau une nouvelle éruption de boutons, quelque temps après avoir insisté sur son administration ; il faut alors se retourner, & inviter la nature à se débarrasser par les couloirs de la peau, du reste de ce virus qui infecte la malle des humeurs, en prescrivant au malade l’usage de certains sudorifiques, donc les succès ont été reconnus & confirmés par l’observation.

Personne n’ignore que c’est le hasard qui a fait connoître les vertus de la vipère. Galien nous apprend que quelques personnes, touchées de compassion envers un misérable lépreux, & se croyant dans l’impossibilité de le guérir, résolurent de mettre fin à ses souffrances en l’empoisonnant ; l’effet ne répondit point à leur attente, & le remède, loin de hâter la mort, opéra une parfaite guérison[1].

Je ne saurois assez recommander l’usage de la vipère dans le traitement de la lèpre ; les bons effets qu’elle a produits dans les maladies de la peau, sont constatés par les observations les plus exactes. Lieutaud nous apprend qu’on prépare avec le tronc entier d’une vipère, à laquelle on a ôté la tête & la peau, ou avec une moitié seulement, un bouillon que l’on regarde comme un excellent médicament propre à purifier le sang & à augmenter la Transpiration. Ces vertus, ajoute ce grand médecin, la rendent très-efficace dans les maladies de la peau, & fort utile à ceux qui ont le scorbut, maladie qui diffère très-peu de la lèpre.

Les autres sudorifiques, tels que le gayac, le sassafras, la squine & la salsepareille, quoique très-énergiques ne sont point aussi efficaces que la vipère.

  1. Dictionnaire des Sciences, mot LÈPRE, page 854.