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s’empare des malades ; ils ne sont aptes ni propres à faire le moindre mouvement ; ils tombent dans un engourdissement & une nonchalance affreuse ; survient enfin une fièvre lente, qui consume en peu de temps le malade.

Heureuses les contrées sur lesquelles cette maladie n’étend point ses ravages ! elle étoit très commune autrefois dans les pays chauds, dans la Syrie & en Égypte.

S’il faut en croire certains auteurs, on observe assez souvent cette maladie en Espagne & dans l’Amérique méridionale ; elle est très-rare en France. Je suis persuadé néanmoins que c’est faute de n’avoir pas donné toute l’attention convenable à la description de la lèpre, qu’il s’est passé plus d’un siècle sans qu’on air pu l’observer.

Par le détail de symptômes où nous sommes entrés pour bien faire connoître cette maladie, il est aisé de voir que sa cause tient à une âcreté des humeurs, portée à un degré extrême.

La cause d’un vice aussi âcre prend sa source dans l’abus d’un régime échauffant & des alimens salés, épicés & de haut goût ; tout ce qui peut incendier le sang, tel que les liqueurs échauffantes & trop spiritueuses, ainsi que les viandes enfumées, peuvent exciter cette âcreté. Dans le nombre de ces causes, on doit admettre une disposition naturelle à contracter cette maladie, & y comprendre la boisson des eaux impures, la mal-propreté sur-tout, les excès de débauche en tout genre, la suppression des évacuations ordinaires, & notamment celle de la transpiration les trop vives passions de l’ame, & enfin tout ce qui peut imprimer au sang & à la lymphe une âcreté corrosive.

Nous avons déjà dit que la lèpre étoit une maladie contagieuse ; d’après cela, on ne doit point laisser communiquer ceux qui en sont infectés avec les personnes saines, de peur d’étendre la contagion ; on doit les reléguer dans des endroits isolés & éloignés du commerce des hommes. Ceux qui, par état, sont forcés de leur donner des soins, tant pour ce qui concerne leur traitement, que pour leur régime, doivent redoubler d’attention & de précaution pour se mettre à l’abri de cette cruelle maladie.

La lèpre, dans son principe, est susceptible de guérison. On a vu des lépreux vivre pendant plusieurs années, sans autre désagrément que d’avoir la peau défigurée. Elle est incurable, lorsqu’elle est parvenue à son dernier degré. C’est aussi d’après ce fait d’observation que Celse avoit raison de dire, que dans ce cas il ne falloit point fatiguer le malade par des remèdes qui n’étoient d’aucune utilité.

Adoucir l’âcreté des humeurs, combattre leur épaississement, inviter & porter la nature à opérer une crise salutaire par les émonctoires naturels de la peau, sont les vues curatives que l’on doit avoir pour parvenir à guérir cette maladie dans son premier degré.

S’il y a pléthore, tension & dureté dans le pouls, on commencera par saigner le malade une ou deux fois, sur-tout si les boutons qui commencent à constituer l’éruption, sont d’un rouge assez vif ; le relâchement que cette évacuation amène, facilite beaucoup l’action des remèdes.