Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/264

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de deux follicules cylindriques, longues, s’ouvrent du sommet à la base, renferment beaucoup de semences oblongues, couronnées d’une aigrette, & rangées les unes sur les autres en manière de thuile.

Feuilles. Entières, en forme de lance, pointues, marquées en dessous d’une côte saillante.

Racine. Ligneuse, jaunâtre.

Lieu. Originaire des Indes, cultivé dans les jardins.

Propriétés. Saveur très-âcre. Les fleurs sont sternutatoires, détersives & vivement purgatives. Il est très-imprudent de s’en servir pour l’intérieur. Pour peu que la dose soit forte, c’est un poison pour l’homme & pour les animaux.

Les feuilles réduites en poudre sont un sternutatoire fort ; mais que l’on donne avec le plus grand succès dans les maux d’yeux, occasionnés par une abondance d’humeurs. J’en ai vu de très-bons effets. On la prescrit encore contre les maux de tête & les migraines. Des feuilles, on fait encore des cataplasmes, des décoctions : on en compose avec du beurre, un onguent pour la gale & autres affections cutanées.

Culture. Il y a une variété de ce laurier, de nom seulement, à fleur blanche, dont les propriétés sont encore plus actives que celles de l’autre, & une autre variété à fleur double. Dans le nord on tient ces arbres en caisses comme les orangers ; & à l’approche du froid, on les enferme dans la serre. Le laurier rose à fleur double, craint beaucoup plus le froid que les deux autres. Dans les provinces du midi, le long de la Méditerranée, on le cultive en pleine terre. Quoique cet arbre soit regardé comme originaire des Indes, je l’ai cependant trouvé naturalisé en Corse, dans un lieu où sûrement il n’a pas été planté de main d’homme.[1] On peut le multiplier par semence ; mais il est plus court de séparer les drageons qui poussent des racines, ou de coucher ses branches en terre, même sans les marcotter. Je crois que si on multiplioit les semis, on parviendroit à l’acclimater dans nos provinces du nord. On risqueroit, dans les froids âpres, de perdre les tiges ; mais il en repousseroit des racines, si on avoit le soin de couvrir le pied pendant l’hiver, avec quatre ou cinq pouces de fumier.

La multiplicité des fleurs dont cet arbre se charge, leur couleur & leur forme gracieuse, méritent les soins du jardinier. Comme il pousse beaucoup de racines fibreuses, il épuise promptement la terre dans laquelle elles s’étendent. Elle demande donc à être renouvelée, fumée de temps à autre. Il ne faut pas le laisser languir par la sécheresse. Pour avoir plus long temps des fleurs, il faut les couper dès qu’elles sont passées, & ne pas leur laisser le temps de faire la graine.

On tenteroit vainement de faire des berceaux avec cet arbre, quoique ses branches soient très-flexibles, parce qu’il se dégarnit de feuilles par le bas, à mesure qu’il s’élève : il figure très-bien dans les bosquets d’été.

  1. On le trouve aussi très-communément en Provence, dans les montagnes dites les Maures, entre Hières & Bermes.