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dès que le nombre des fabricateurs eut augmenté.

Après avoir retiré du lait toutes les parties propres au fromage, il reste le petit-lait ; & dans ce petit lait, le seta ou seret est encore séparé, de sorte qu’il ne reste plus que le petit lait proprement dit, que l’on donne aux cochons, ou que l’on jette, à moins qu’on ne veuille en retirer le sel. Dans ce cas, on jette le petit lait dans un vaisseau, on le fait bouillir à petit feu, jusqu’à ce qu’il soit évaporé au moins aux trois quarts. On porte le tout dans un lieu frais, & tout autour du vase, il se forme des crystaux. On verse doucement & par inclinaison l’eau restante ; & lorsque les crystaux sont tirés du vase, on les met sécher sur du papier gris ; enfin on les conserve dans des boëtes. Si l’évaporation a été trop forte, les crystaux sont beaucoup plus colorés que lorsqu’elle a été lente. Cette première opération ne suffit pas pour les rendre parfaitement blancs & purs ; il en faut une seconde, dont on parlera ci-après. Les montagnards de l’Emmenthal en Suisse, font évaporer jusqu’à siccité, & il reste au fond de la chaudière une poudre brune ; ils portent cette poudre aux apothicaires des villes voisines, & la leur vendent six liards la livre. Le fameux Michel Shuppak, plus connu sous le nom de Micheli ou Médecin de la montagne, non loin de Berne, traité de charlatan insigne par les uns, & de Médecin par excellence par les autres, préparoit cette poudre brune, & la réduisoit en un vrai sucre de lait ou en tablettes. Il exposoit cette poudre brune à l’air, & la faisoit blanchir à la rosée, il la faisoit dissoudre ensuite dans de l’eau très-pure, il y ajoutoit de la crème de tartre, & faisoit évaporer lentement jusqu’à pellicule. Au fond de la chaudière étoit un sédiment blanc, qu’on enlevoit & qu’on coupoit en tablettes ; mais il faut que la liqueur soit tenue dans un lieu frais pendant six semaines ou deux mois, afin que la cristallisation s’opère. Ce sucre de lait vaut 24 sols la livre de Suisse, un peu plus forte que celle du poids de marc.

Toute cette opération peut être simplifiée ; il suffit de ne pas faire évaporer jusqu’à siccité, afin que les parties salines ou sucrées ne soient pas calcinées dans le fond de la chaudière. Lorsqu’on a retiré les premiers crystaux, il faut les faire dissoudre dans de l’eau de rivière, & recommencer l’évaporation jusqu’à pellicule ; si une fois ne suffit pas, on procède à une seconde & même à une troisième ; lorsque ce sel est suffisamment blanc, on le fait sécher à l’étuve, & on le conserve dans des boëtes garnies de papier blanc : cent-vingt livres de crystaux jaunes se réduisent à vingt livres de crystaux blancs & commerçables.

Le sel ou sucre, ou sel essentiel du lait, ne produit pas les mêmes effets que le petit-lait, à quelque dose & de quelque manière qu’il soit prescrit. Dans le temps de l’enthousiasme pour cette nouveauté, on le regardoit comme un grand remède dans les maladies pulmonaires, cancéreuses, dans la goutte, enfin dans toutes les maladies où il falloit corriger l’acrimonie & renouveller les principes du sang. Ce remède, si prôné, a eu le sort de beaucoup d’autres : on le prescrit depuis une drachme jusqu’à demi-once, en solution dans huit onces d’eau, ou bien on le mange