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qu’ils ont été engraissés dans des pâturages convenables.

Les moutons normands d’Alençon, du Cottentin, de Valogne, &c., quoique qualifiés par les noms des territoires qu’ils occupent, se rapportent chacun à l’une des trois espèces précédentes, & principalement aux cauchois & aux bisquains. Les excellens moutons de Condé sur Néraut proviennent de la race cauchoise. Le prix ordinaire de la laine est de vingt sols lavée ; la dernière qualité se vend quinze sols, & la tête vaut trente fols ; la laine juine est toujours achetée quelque chose de plus.

La Picardie est comme de plein pied avec la haute Normandie ; toutes les races de bêtes à laine, répandues dans la Picardie, se rapportent 1°. à la branche du Vermandois, qui est la plus forte ; 2°. à celle du mouton picard proprement dit, qui est une race moyenne & commune dans le Beauvoisis 3°. à celle du mouton de Thiérache, qui est la moindre des trois.

Le mouton Vermandois, ainsi nommé de la partie orientale de la Picardie, où il est plus nombreux, a la tête grosse, l’oreille longue & large, le col gros & long, la jambe grosse ; il est long de trente-six à quarante pouces. La force de sa complexion exigeant qu’on lui donne une nourriture abondante, il profite dans les vallées, & se plaît dans les gras pâturages ; il n’a point de canton atitré, on le retrouve dans tous les lieux où les fourrages, où les herbages ne manquent point, depuis les confins de la Thiérache jusques dans le Boulonnois & dans le Ponthieu. Les moutons picards sont de deux sortes ; on distingue les uns par un toupet de laine qu’ils ont au front, & qui ne se trouve point dans les autres ; les derniers engraissent plus promptement, ont la laine plus fine & la chair meilleure.

Les moutons de la Thiérache ont trente pouces, cette race est commune du côté de Guise & de Vervins, elle est basse de taille, ayant la tête grosse, l’oreille large & courte, ainsi que le nez. La plus commune de ces trois races est celle du mouton picard. Les laboureurs, peu attentifs, tachettent aux foires les bêtes de remplacement, & prennent indistinctement toutes les espèces qui se présentent, comme dans l’isle de France : de là vient le mélange des espèces.

Les bergers en picardie, comme dans presque toutes les autres provinces, ont la manie de boucher tellement les ouvertures des bergeries pendant l’hiver, que l’air extérieur ne sauroit y pénétrer, & ils font suer excessivement l’animal avant l’opération de la tonte. Ces deux vices d’éducation sont la source des maladies & des pertes qui découragent par la suite les laboureurs, le tout par entêtement & ignorance sur leurs véritables intérêts.

La chair de ces animaux est assez souvent ferme & peu délicate. La Picardie n’a pas de lieux destinés aux engrais comme la Normandie ; une partie des bêtes s’engraissent naturellement.

La laine du gros mouton vermandois est dure : les toisons du Santerre sont estimées à cause de la netteté & de la transparence des filets qui les rendent propres à recevoir les apprêts du lavage & toutes sortes de teintures. La laine du Beauvoisis est