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jamais perdre de vue un bon cultivateur.

Il est donc démontre que même sans faire voyager les troupeaux suivant la méthode espagnole, il est de la plus grande facilité d’avoir en France des troupeaux à laine fine. Il est encore démontré que si on peut les faire voyager, ainsi qu’il a été dit dans le chapitre précédent, la laine en sera plus belle. Enfin on n’a qu’à vouloir pour obtenir.


Section III.

Des qualités des laines actuelles, des troupeaux & des pâturages dans le Royaume.


Tout ce qui sera dit dans cette section, est le précis de l’excellent ouvrage de M. Carlier, intitulé : Traité des bêtes à laine, en deux volumes in-4o. Paris, 1770, chez Vallar-la-Chapelle, au Palais. L’auteur a parcouru tout le royaume, & il parle de ce qu’il a vu & examiné avec le plus grand soin. Il commence par les provinces méridionales.

1°. Le Roussillon. Cette province avoisine l’Espagne ; elle est remplie de hautes montagnes, de coteaux & de vallons couverts de gras pâturages : dans certains cantons les laines y sont aussi belles qu’en Espagne. Le Roussillon proprement dit se divise en trois cantons principaux, le Riverai, la Salanque, les Aspres ou la plaine. On donne les noms de Riveral & de terres arrosables, à une étendue de lieux bas, dans lesquels on conduit l’eau des rivières & des ruisseaux par des rigoles & par des canaux, pour arroser les terres & les rendre plus fertiles dans le genre de production qui leur est propre.

La Salanque est aussi un bas terrein, mais qui règne le long de la mer.

Les Aspres & la plaine sont un pays haut & sec, garni d’herbes fines & odoriférantes.

Pendant l’hiver, les troupeaux de ces trois endroits vivent séparément dans leurs territoires respectifs. Il est rare que pendant cette saison, la neige tienne assez long-temps pour empêcher les bergers de mener en pleine campagne. Dans le cas de longues pluies, on nourrit les bêtes à la bergerie avec du fourrage sec.

Lorsque les gelées ou les contretemps détruisent les prairies artificielles, ou qu’il y a disette de bons fourrages, on fait passer les brebis au Riveral.

Aux approches des grandes chaleurs de l’été, & lorsque les herbes de la plaine commencent à se dessécher, qu’il y a disette d’eau, &c. on conduit les troupeaux aux montagnes du haut Conflant & Capsir. Ils y passent six mois dans les pasquiers royaux, au nombre de six à sept milles. Ceux qui ne vont pas à la montagne, se réfugient au Riveral & en Salanque, dans les cantons où les chaleurs sont moins vives & les herbes plus fraîches que dans la plaine & aux Aspres.

Les moutons des Aspres ne sont ni aussi forts, ni aussi corsés que ceux du Riveral & de la Salanque. La longueur des premiers est de trente pouces, & la hauteur en proportion. Tous, jusqu’aux femelles, ont le défaut de porter des cornes. On rejette les bêtes à toison noire.

Le mouton de Salanque ne passe guère l’âge de cinq ans sans dépérir,