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moins considérables ; il ne restera plus qu’à s’arranger & à convenir entr’elles du parcage, du pâturage, &c. un berger avec son chien conduit aussi bien un troupeau de deux cents bêtes, qu’un de cent.

La multiplicité des troupeaux nuira à l’agriculture : cette objection ne manquera pas d’être mise en avant. Il ne s’agit pas de couvrir de troupeaux tout le sol du royaume ; mais de perfectionner la laine & les espèces de bêtes qui y existent. Il est plus que probable que chaque propriétaire nourrit autant de bêtes que ses moyens & ses possessions le permettent ; ainsi on ne sauroit en augmenter le nombre ; mais la valeur du produit doublera par la qualité.

C’est une erreur de penser que les communaux & les landes soient nécessaires à la prospérité des troupeaux. À force d’être broutés, piétinés, dégradés, l’animal n’y trouve qu’une maigre & très-rare nourriture ; les mauvaises herbes qu’il dédaigne, gagnent bientôt le dessus, & étouffent à la longue les plantes utiles. Enfin, il est prouvé que dans les pays où il n’y a point de communes, (Voyez ce mot) on élève & on nourrit un plus grand nombre de bêtes, que dans ceux qui en ont de très-étendues.

Il n’en est pas tout-à-fait ainsi chez les particuliers qui ont des friches ou des terreins incultes. Si leur berger n’a pas dans le troupeau des brebis qui lui appartiennent, il ménagera l’herbe ; & après avoir fait brouter une partie du terrein, il n’y reviendra pas de quelque temps, afin de lui donner le temps de pousser. Les troupeaux au contraire ne quittent pas les communes d’un soleil à un autre, & pendant toute l’année.

Que l’on compare actuellement les terres labourées ou en chaume, surtout si on suit ce qui est dit au mot labour, avec les landes & les friches, & l’on verra si le mouton ne trouvera pas dans ces premières une nourriture plus abondante, des herbes plus tendres, plus délicates que sur les secondes. Dès-lors il faut conclure qu’une culture bien entendue vaut infiniment mieux pour les troupeaux, & qu’il est possible d’en augmenter le nombre jusqu’à un certain point, sans nuire à l’abondance des récoltes ordinaires. Les friches, les landes, les lieux incultes, ne sont vraiment utiles aux troupeaux, que parce qu’ils les forcent à marcher & à parcourir un grand espace, afin de se procurer leur nourriture. D’ailleurs si elles conviennent aux petites espèces, elles sont nuisibles, ou du moins peu profitables aux moyennes, & sur-tout aux grosses. Le propriétaire intelligent proportionne la quantité de ses troupeaux à l’abondance & à la qualité des plantes qui doivent le nourrir. Enfin, l’entretien d’un troupeau quelconque de brebis à laine fine, ne lui coûte pas plus à entretenir que celui à laine commune & grossière. Si on a un reproche à faire à la majeure partie des tenanciers, c’est de conserver une plus grande quantité de bêtes blanches que leurs possessions ou leurs moyens ne peuvent en nourrir ; alors tout le troupeau est maigre ou crique ; ils sont obligés de lui faire parcourir les champs des voisins, ce qui est un vol manifeste. Dix brebis bien nourries, bien soignées, rendent plus que quinze à dix-huit brebis affamées ; objet essentiel que ne doit