CHAPITRE III.
Est-il possible de perfectionner les laines en France, et quelles sont les qualités des laines actuelles ?
Section Première.
De la possibilité de perfectionner les laines en France.
La première partie de cette question est décidée par ce qui a été dit dans les chapitres précédens, & je répète que l’école des bergers élevés par M. d’Aubenton, donnera la première & la plus sûre impulsion à une révolution générale, parce que l’expérience est le terme & la confirmation des leçons & des principes que l’élève reçoit. Il ne lui faut que des yeux ; & la nature est le livre qu’il étudie & où il s’instruit. Il est encore démontré que la France est le royaume le mieux situé de toute l’Europe, Elle est modérément froide dans ses provinces du nord, tempérée dans celles du centre, & assez chaude dans celles du midi. Il résulte de cette situation la possibilité d’élever & d’entretenir de nombreux troupeaux, de quelque pays, de quelque contrée du monde qu’on tire les espèces ; il suffit de les placer d’une manière convenable. La transformation des troupeaux à laine commune, s’exécuteroit sans peine & plus facilement qu’on ne détruira les préjugés : toutes les instructions publiées, soit par le Gouvernement, soit par des particuliers, produiront peu d’effets ; la conviction dépend de l’exemple mis sous les yeux, contemplé chaque jour, & non pas considéré dans l’éloignement.
Par qui doit commencer la révolution ? par les grands propriétaires de fonds ; ils doivent envoyer un de leurs bergers à l’école de Mont-Bard, & choisir celui qui paroîtra le plus intelligent. À son retour, il exécutera chez son maître ce qu’il a vu mettre en pratique, & l’exemple de ce berger influera sur toutes les paroisses voisines. Les paysans & les hommes du peuple diront : Il n’est pas surprenant que de tels troupeaux prospèrent, que la laine en soit devenue fine, &c. le propriétaire est un homme riche, qui peut faire de la dépense : il en fait cependant moins qu’eux, puisqu’une cour & les champs lui serviront de bergerie, & même sans sortir de sa province, il perfectionne ses espèces, en accouplant les meilleures.
Il seroit cependant fort à désirer que l’homme riche fît venir de l’étranger des brebis & des béliers ; & lorsque son troupeau seroit monté, qu’il permît & accordât gratuitement l’accouplement de ses béliers avec les brebis des petits particuliers, à la charge par eux de soigner leurs troupeaux de la même façon qu’il soigne les siens. C’est par cette voie que le bien se fera, que l’instruction s’étendra de proche en proche, & qu’enfin on parviendra à une révolution générale.
Les communautés d’habitans, un peu nombreuses, devroient se cotiser pour avoir un berger, & faire les frais pour se procurer des béliers de qualité. Si plusieurs communautés se réunissent, les frais seront