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rantir son corps de la pluie & de la froidure des saisons.

M. Daubenton fait à ce sujet une remarque bien judicieuse ; la voici : « La laine préserve du froid & des fortes gelées toutes les parties du corps des moutons qui en sont couvertes ; mais le grand froid pourroit faire du mal aux jambes, aux pieds, au museau & aux oreilles, si ces animaux ne savoient les tenir chauds. Étant couchés sur la litière, ils rassemblent leurs jambes sous leur corps, en se serrant plusieurs les uns contre les autres ; ils mettent leurs têtes & leurs oreilles à l’abri du froid dans les petits intervalles qui restent entr’eux, & ils enfoncent le bout de leur museau dans la laine. Les temps où il fait des vents froids & humides, sont les plus pénibles pour les moutons exposés à l’air ; les plus foibles tremblent & serrent les jambes, c’est-à-dire, qu’étant debout, ils approchent leurs jambes plus près les unes des autres qu’à l’ordinaire, pour empêcher que le froid ne gagne les aines & les ai selles, où il n’y a ni laine ni poil ; mais dès que l’animal prend du mouvement ou qu’il mange, il se réchauffe, & le tremblement cesse ».

La chaleur & l’action directe des rayons du soleil, sont le fléau le plus redoutable pour les troupeaux. La première, dans les bergeries (Voyez ce mot) jointe à l’humidité & à l’air âcre & presque méphitique qui y règne, leur cause des maladies putrides & inflammatoires. Cet air est si âcre, que la majeure partie des bergers des provinces du midi, ont la peau des mains & du visage parsemés de dartres. La seconde fait porter le sang à la tête de l’animal, il chancelle, tourne, tombe & périt, s’il n’est promptement secouru par la saignée. Dans les provinces du midi, l’ombrage y est fort rare. Où faut-il donc conduire les troupeaux pendant la chaleur du midi, lorsqu’on n’a pas la facilité de les faire voyager sur les hautes montagnes ? Un olivier devient le seul abri contre la violence du soleil ; chaque brebis se pousse, se presse, se joint contre la brebis voisine, & passe sa tête sous son ventre : tel est l’état forcé & pénible dans lequel reste un troupeau pendant près de quatre heures. Afin de remédier à un abus aussi meurtrier & aussi détestable, il faudroit que chaque propriétaire eût une bergerie d’été, ainsi que je l’ai décrit page 221 du Tome II, avec cette différence cependant que je la voudrois environnée de grands arbres à rameaux touffus, & que toute la circonférence fût fermée par des cloisons faites comme des abats-jours. Si on trouve cette clôture trop dispendieuse, on peut la suppléer par des fagots peu serrés, traversés par des piquets que l’on fichera en terre. Il en résulte 1°. une espèce d’obscurité qui éloignera les mouches & les tans, animaux très-incommodes & vrais persécuteurs des troupeaux ; 2°. un courrant d’air sans cesse agissant, & par conséquent une agréable fraîcheur ; 3°. enfin, comme je suppose cette bergerie très vaste, les animaux ne seront pas serrés & pressés les uns contre les autres. Cependant j’aimerois mieux les voir paître sur les hautes montagnes, & employer toutes les parties du jour, dès que la rosée est dissipée & avant qu’elle tombe, à brouter & à se nourrir.