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la grande chaîne qui traverse de l’est à l’ouest le Languedoc, &c. offrent des ressources aussi précieuses. Le Roussillon a dans ses parties basses un climat semblable à celui d’Espagne, & les Pyrénées, qui, à mesure que la neige fond, appelle ses troupeaux. Le Comté de Foix, la Gascogne, le Béarn, la Navarre, sont dans la même position. La Guienne, dans sa partie du nord, touche au Limosin, & à l’Auvergne par l’est. La Saintonge, l’Angoumois, trouveront dans ces pays montagneux des pâturages d’été. Le Dauphiné a également sa partie basse & sa partie haute, ainsi que le Lionnois, le Forez & le Beaujolois. Le Bourbonnois, la Bourgogne, la Franche-Comté, l’Alsace, la Lorraine, sont dans le même cas. Partout on trouve de grandes plaines & de très-hautes montagnes. Ces montagnes s’abbaissent, ou plutôt se métamorphosent en coteaux, lorsqu’on s’approche du nord du royaume & du voisinage de l’Océan, soit au nord, soit à l’ouest. Il est donc démontré, par la position géographique de la France, que dans la majeure partie de la France méridionale, il est possible d’établir les transmigrations des troupeaux, sans les faire autant & si longuement, voyager que ceux d’Espagne. Les expériences & les succès de M. Daubenton démontrent encore que les laines acquerront dans le nord de la France une qualité supérieure, sans avoir recours à ces voyages. Ainsi, dans les deux suppositions, la possibilité du perfectionnement des laines, est d’une facile exécution.

Il y aura beaucoup de préjugés à vaincre, d’obstacles à surmonter, de vieux abus à détruire & à faire oublier. C’est l’affaire du temps & de l’exemple ; mais il ne faut pas que le Gouvernement s’en mêle, sinon pour protéger & pour encourager ; & même le peuple est si prévenu contre les encouragemens qu’il propose, que je lui ai vu dans plusieurs endroits, refuser les mûriers qu’il lui donnoit gratuitement pour planter.

M. Daubenton, quoique son mérite fût certainement bien connu, a sûrement été, pendant plusieurs années, l’objet des sarcasmes & des plaisanteries de ses voisins, parce qu’il suivoit une méthode nouvelle ; mais à coup sûr son exemple va produire une révolution dans son canton, & un mot de lui sera un oracle. Voilà comme nous sommes extrêmes pour le bien comme pour le mal ! Il faut que l’exemple & le succès forcent la confiance ; & une fois établie, elle surmonte les plus grands obstacles. Qui peut donc établir & propager cette confiance dans toute l’étendue du royaume ? Sont-ce les livres ? le paysan ne lit pas ; & le cultivateur a si souvent été trompé, & il est si peu en état de distinguer le bon du mauvais, que cette ressource précieuse dans l’origine, est aujourd’hui de nul effet. Ce seront les bergers sortis de l’école de Montbard, qui parleront aux yeux & à la raison, par l’exemple qu’ils donneront dans les provinces : eux seuls doivent produire une révolution générale, & eux seuls peuvent l’effectuer.

La France ne possède aucune province plus approchante de l’Espagne, & plus propre à élever des troupeaux à laine fine, que la Corse. La méthode du parcourt & des voyages à l’Espagnole, y est déjà introduite ;