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voyez ce qui sera dit en parlant de l’assainissement des Prairies.

La fouille du total de l’emplacement doit être de trois pieds de profondeur. Si on veut économiser, on donnera ce travail à l’entreprise, & à tant par toise quarrée de superficie sur la profondeur convenue. Mais pour ne pas conclure un marché en dupe, on commencera à faire fouiller, à journées d’hommes, une ou deux toises, & on jugera ainsi, toute circonstance égale, quel doit être la dépense générale, & combien on doit payer par toise. Si on désire connoître bien particulièrement le prix, il faut que le propriétaire ne quitte pas d’un seul moment ses travailleurs, & qu’il calcule ensuite à combien lui revient chaque toise. S’il s’en rapporte à d’autres yeux qu’aux siens, il est difficile qu’il ne soit pas trompé. Malgré l’avis que je donne, mon intention n’est pas que le propriétaire se prévale des lumières qu’il a acquises pour ruiner les prisataires. Il faut que ces gens vivent, & gagnent plus sur le prix fait, que si l’ouvrage avoit été commencé & fini à journées, parce qu’ils travailleront beaucoup plus, la tâche étant à leur compte, que s’ils remuoient la terre à journées. Il ne convient pas non plus que les intérêts du propriétaire soient lésés ; à prix fait, bien entendu, il en coûte moins, & l’ouvrage est beaucoup plutôt achevé. C’est au propriétaire à veiller ensuite sur la manière dont l’opération s’exécute. Pour cet effet, il coupe un morceau de bois, & marque la longueur de deux ou trois pieds, suivant la profondeur convenue, & de tems à autre il vient sur le chantier, & enfonce en différens endroits cette jauge, afin de se convaincre que les ouvriers se sont conformés aux conditions admises. Si la jauge n’enfonce pas, l’ouvrier ne manquera pas d’objecter qu’elle est arrêtée ou par une pierre, ou par une motte de terre mal brisée. C’est aussi ce que le propriétaire doit examiner aussi-tôt, en faisant enlever la terre jusqu’à l’endroit qui présente de la résistance, afin de convaincre l’ouvrier de sa friponnerie ou de sa négligence à ne pas enlever les pierres, ou à ne pas briser les mottes, comme il y étoit obligé par l’acte ou les conventions du prix fait. Si au contraire la résistance vient de ce que l’ouvrier n’a pas donné à la tranchée la profondeur convenable, il doit sur-le-champ faire suspendre tout l’ouvrage, jusqu’à ce que le vice soit réparé. La sévérité est nécessaire avec l’ouvrier ; payez-le bien, & faites-vous bien servir ; si vous lui passez une faute, il en commettra cent, & vous finirez par être complettement sa dupe.

Est-il nécessaire, dans la fouille générale du sol, de comprendre celui sur lequel les allées sont ou doivent être tracées ? Plusieurs auteurs sont pour la positive ; quant à moi, je n’y vois qu’une dépense superflue. Les premiers disent : si on ne fouille pas tout le terroir, celui des quarreaux sera plus élevé que celui des allées, & elles deviendront un cloaque après chaque pluie. Les seconds conviennent du fait ; mais, comme il n’existe point de terrein, ou presque point, sans pierres, sans graviers, les allées sont destinées à les recevoir, & ces gravats les rehausseront, les assainiront, & l’eau ne pourra pas les détremper, sur-tout si on a la précaution de les ensabler & de les niveler