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qualité & la finesse de la laine sont renommées. Les environs de la ville d’Alinysas, la terre royale d’Hogentrop, les environs de Berga furent les dépôts où il plaça successivement des brebis d’Angleterre, d’Espagne, de Portugal, de Sardaigne, du Texel, & même d’Asie & d’Afrique, afin de s’assurer quelle feroit l’espèce qui s’accoutumeroit le mieux à la rigueur du climat de Suède, & à laquelle les pâturages conviendroient le mieux.

Ces essais réussirent parfaitement. Les brebis Angloises furent introduites en 1715, les Espagnoles depuis 1723, celles d’Eyderstadt depuis 1726, les chèvres d’Angola en 1742 ; ces animaux n’ont point souffert du changement de climat, & ils ne demandent que des soins continués pour prospérer & se maintenir. Il est constant que le produit des laines fines fournit aujourd’hui la moitié de celle que l’on y consomme dans la manufacture des draps, & que bientôt la Suède se passera des laines fines étrangères. Il seroit important de savoir si le changement de climat, &c. n’a apporté aucun changement dans la laine, car l’expérience a prouvé que celle des bêtes Espagnoles, transportées en Angleterre, est devenue plus longue, un peu moins fine que la laine d’Espagne, mais qu’elle est plus blanche. Le gouvernement de Stockolm a fait publier & distribuer dans chaque paroisse des instructions pour les bergers, & des commissaires veillent à ce qu’elles soient mises en pratique.

Après avoir fait connoître le perfectionnement des laines dans les différens royaumes d’Europe, il est temps de prouver que le même perfectionnement peut avoir lieu en France. Columelle, bon juge en cette partie, disoit que de son temps les moutons & les laines de la Gaule l’emportoient en bonté sur toutes les espèces connues. Les autres nations se sont occupées de leurs troupeaux, & nos ancêtres les Gaulois & les François, qui leur ont succédé, sont restés bien au-dessous d’elles à cet égard pendant un grand nombre de siècles. Ce n’est guère que sous Louis XIV que le gouvernement fit attention au dépérissement des laines de France.

Le Roussillon & nos autres provinces méridionales ont toujours fourni des laines fines, & bien supérieures à toutes celles du reste du royaume ; elles doivent leur qualité sans doute au renouvellement des espèces, facilité par le voisinage de l’Espagne, & à leur climat, mais non pas à la manière d’y conduire & d’y soigner les troupeaux, qui, en certains endroits, est peut-être la plus absurde de toutes celles suivies en France.

Colbert, sous Louis XIV, à qui la nation doit de la reconnoissance pour la protection spéciale qu’il fit accorder à nos manufactures, & qui négligea un peu trop les progrès de l’agriculture, porta un œil attentif sur le perfectionnement des laines. Il fit venir un grand nombre de brebis & de béliers Espagnols & Anglois, & les distribua dans nos différentes provinces. Les encouragemens furent multipliés, & chaque possesseur de ces races fines eut la liberté de suivre la méthode qu’il jugeroit la plus avantageuse au bien-être de son troupeau. De tels soins méritoient d’être couronnés pas le succès ; mais bientôt, & peu-à-peu, ces bêtes précieuses dégénérèrent & périrent. Colbert