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inférieures des cuisses & des épaules. On fait encore assez communément une quatrième division, formée de la laine du dessous du ventre, de la queue & du derrière des cuisses, marquée F, c’est la plus mauvaise de toutes. Ces laines sont mises dans des sacs. On fait, dans les environs de Ségovie, une classe à part des laines des agneaux ; cette espèce est moins chère que celle des brebis & des béliers, & il est défendu d’en fabriquer des draps. Dans quelques endroits de la vieille Castille, on mêle la laine des agneaux à la laine la plus fine R ; à Soria, on mêle la laine la plus fine des agneaux avec celle G, & le reste avec S. On suppute en Espagne que la laine des agneaux fait la dixième partie de la laine d’un troupeau, & celui qui achette la laine avant la tonte, fait son calcul en conséquence.

On a pour laver les laines des canaux ou des réservoirs construits en maçonnerie, & une grande chaudière de cuivre, montée sur son four. L’ouvrier fait tremper la laine pendant deux heures dans l’eau chaude, il la remue & la foule pendant ce temps & la nettoie ; de-là elle est portée dans l’eau claire & courante, & ensuite laissée en monceau sur le pré, jusqu’au lendemain. L’eau s’écoule, la laine se sèche en partie, & pour la sécher entièrement, elle est étendue sur le gazon. Les gens employés au lavage, laissent dans le réservoir au moins une partie des ordures produites par la laine qui vient d’être lavée, parce qu’ils pensent qu’elles font l’effet du savon, & qu’elles servent à dégraisser celles qu’on y met ensuite. La diminution du poids de la laine n’est pas la même dans toutes les contrées de l’Espagne ; à Ségovie, elle est à peu près de cinquante-quatre pour cent, ailleurs de quarante-huit, &c ; cela dépend de la chaleur de l’eau dans laquelle le premier lavage a été fait.

Il est constant que la laine des brebis espagnoles est la plus fine de toutes les laines connues, & que depuis un temps immémorial, les troupeaux ont été très-nombreux & très-soignés dans ce royaume.

Les Suédois, peuple actif & laborieux, à l’exemple des Anglois & des Espagnols, ont cherché à perfectionner la laine de leurs troupeaux, & la rigueur & l’âpreté de leur climat ne les ont point empêché de venir à leur but. Il est certain que la reine Christine fit venir, soit d’Angleterre, soit d’Espagne, diverses espèces de béliers & de brebis ; ces espèces précieuses s’abâtardirent insensiblement par le peu de soins qu’on leur donna ; celles transportées d’Allemagne en Suède réussirent beaucoup mieux, & surpassèrent de beaucoup l’ancienne race Suédoise, mais la laine qu’elles fournissoient étoit grossière, peu serrée & peu propre à la fabrication des étoffes fines, ce qui forçoit la nation à tirer de l’étranger la matière première des draps.

M. Alstroemer le père, zélé pour le bien public, entreprit, non sans beaucoup de risques, d’être utile à sa patrie en parcourant l’Espagne, en y examinant les soins qu’on prenoit des troupeaux, enfin en faisant venir d’Angleterre, en 1715, trente béliers qu’il distribua à ses amis, auxquels il donna en même-temps les documens nécessaires. Depuis cette époque il s’est procuré chaque année des brebis de tous les pays où la beauté, la