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pour porter les vivres, & vingt chèvres pour traire ; mais dans la saison des agneaux, comme leurs travaux sont plus multipliés, de même que dans celle de la tonte, on leur permet alors de prendre deux gardiens extraordinaires. On compte encore deux personnes occupées à faire le pain, la cuisine, & à pourvoir aux besoins nécessaires pendant la marche.

9o. Lorsque le temps de la tonte est venu, on conduit les brebis dans des maisons particulières, disposées pour cet usage. Cette opération commence à Ségovie dans les premiers jours de mai, ou au commencement de juin ; si le temps est pluvieux, on diffère de quelques jours, parce que la laine est endommagée si elle est mouillée quand on la tond, & l’animal souffre beaucoup s’il pleut sur lui quand il est nouvellement tondu ; il en meurt quelquefois. Les jours destinés à cette opération sont des jours de fêtes & d’allégresse ; ils différent bien peu des solennités observées chez les Juifs. Il est bon de remarquer que les Espagnols, avant de tondre les brebis, les tiennent étroitement serrées dans un endroit fermé, afin de les y faire suer, ce qui augmente le poids de la laine, & peut-être en facilite la tonte. Le tondeur, après avoir lié les pieds de la brebis ou bélier, se tient debout pendant le travail ; il commence le long d’un côté du ventre, avance jusqu’au dos, aux cuisses, au col, & continue également de l’autre côté, de sorte que toute la toison tient ensemble. La laine du ventre, de la queue & des jambes est mise à part, & est nommée déchet ; elle sert dans le pays comme bourre aux usages grossiers. Aussitôt que la brebis est tondue ; on recouvre les incisions faites dans la chair par les ciseaux, avec ces petites lames très-minces, qui se séparent du fer quand on le bat sur une enclume. Un tondeur peut dans un jour lever dix toisons.

Dès que la toison est levée & séparée de la mauvaise laine, on la porte dans un magasin humide, afin qu’elle ne perde pas de son poids ; c’est dans ce même endroit qu’on détache les laines des peaux de moutons morts dans les pâturages, ou tués pour les besoins de la vie ; cette laine est appelée pelada : voici la manière dont on s’y prend pour l’avoir. On mouille les peaux, & ou les amoncèle les unes sur les autres, afin qu’elles s’échauffent & commencent à acquérir un petit mouvement de putréfaction : alors les peaux, prises chacune séparément, & étendues, sont raclées avec une espèce de couteau, dont le côté tranchant, armé de dents, ressemble à un peigne. Celles qui sont trop sèches & qui n’ont pu être humectées, sont tondues au ciseau. Les peaux fraîches sont enduites, du côté de la chair, d’un mélange de chaux & d’eau, après quoi elles sont pliées du même côté, laissées pendant vingt-quatre heures dans cet état, & la laine s’en détache ensuite facilement.

L’assortissement des laines se fait aussitôt après la tonte ; l’ouvrier place la laine sur une table formée par des claies, dont les ouvertures sont assez espacées pour laisser tomber la poussière & les ordures. La laine est divisée en trois parties ; la plus fine, marquée R, est celle du dos & des côtés ; la seconde, moins fine, marquée G, est celle des cuisses & du col ; la troisième, marquée S, est celle de dessous le col, des parties