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& pourvoir aux besoins des troupeaux ambulans, mais sur-tout pour rendre aux propriétaires les brebis mêlées avec celles d’un autre troupeau. Ces assemblées furent ordonnées dans la première loi écrite, connue en Espagne en 466 par Enrico IX, roi des Goths… Le roi Sisnando, au quatrième concile de Tolède en 633, changea le nom de député en celui de conseiller, & peu après les députés devinrent des officiers, des juges royaux, dont les fonctions étoient d’examiner & de prononcer d’après les loix.

On est porté à penser que ce conseil avoit beaucoup d’autorité, puisque Léonore, reine douairière de Portugal, fit en 1499, par son ambassadeur, proposer à ces bergers de passer les limites d’Espagne, & de venir faire paître leurs troupeaux sur le territoire de son royaume, où elle leur promettoit les secours les plus efficaces. Le conseil accepta les propositions de l’ambassadeur, & depuis ce temps les brebis espagnoles passent en Portugal dans un certain temps de l’année, moyennant une légère rétribution. Il est défendu aux bergers d’y tondre les brebis & de les vendre hors de l’Espagne. L’autorité royale vint à l’appui du décret des bergers ; le roi Ferdinand & la reine Élisabeth ordonnèrent en 1500 qu’un conseiller du roi présideroit à ces assemblées.

Les brebis à laine fine sont l’objet spécial des loix & des privilèges. Les pâturages destinés à cette race privilégiée, sont différens suivant les saisons de l’année ; elles passent l’hiver dans les provinces basses & méridionales d’Espagne, comme l’Estramadure, l’Andalousie, la nouvelle Castille, ou dans celles de Portugal, & on les conduit en été sur les hauteurs & les montagnes de la vieille Castille & du royaume de Léon.

Ces troupeaux ambulans ont une liberté pleine & entière pour pâturer sur les endroits par où ils passent, sans payer la plus légère redevance ; les possesseurs du terrein ne peuvent s’y opposer. Les champs labourés, les prairies, les vignes, les jardins potagers même doivent leur être livrés ; les seuls terreins fermés par des murs sont exempts. Comme ces transmigrations se sont au commencement & à la fin de l’hiver, les troupeaux, dit-on, causent peu de dommages.

La bonne race de brebis à laine fine étoit beaucoup diminuée avant l’avènement de Philippe IV au trône d’Espagne ; ce monarque n’oublia rien pour l’augmenter & pour encourager les propriétaires à la multiplier ; il publia à cet effet un édit en 1633, dont voici les articles intéressans.

1*. Pour prévenir les désordres, assurer l’abondance des pâturages, & les avoir à un prix modéré, il sera fait un cadastre général dans tout le royaume, dans lequel on spécifiera l’étendue & les bornes de chaque pâturage particulier. 2°. Il sera défendu d’enclore ou de labourer, ou cultiver aucun endroit sans une permission spéciale qui ne sera accordée qu’en cas de nécessité. 3°. La plantation de nouvelles vignes sera proscrite comme nuisible à l’agriculture, & principalement aux troupeaux. 4°. Si un berger se plaint que le propriétaire d’un champ veut lui vendre trop cher le pâturage, le possesseur & le berger nommeront chacun un député pour régler le prix ;