que à ses laines, ou du moins les laines ne furent plus le premier objet de ses soins & de son ambition : l’Espagnol embrassa le signe pour la réalité.
Vers l’an 810, Charlemagne releva la splendeur des laines & des manufactures de France par des établissemens à Lyon, à Arles, à Tours. Bientôt après, forcé de traverser les Alpes pour se rendre en Italie, il en forma de nouvelles à Rome & à Ravenne. Les premières se sont maintenues jusqu’à ce qu’elles ont été transformées en manufactures de soie, mais à peine s’est-on souvenu en Italie des soins & des encouragemens accordés par l’Empereur.
Les villes de l’ancien royaume de Bourgogne, sur-tout celles du Brabant & de Flandres, goûtèrent un repos dont ne jouirent pas celles de France & d’Italie. Comme les arts aiment la tranquillité, les manufactures de Flandres attiroient déjà les regards en 960. Leur plus haut dégré de considération fut en 1267, & l’époque de leur décadence en 1305. La ville de Louvain possédoit seule quatre mille maîtres & cent cinquante mille ouvriers. Les maîtres disputèrent le salaire aux ouvriers, & ceux-ci, après s’être livrés à d’horribles excès, abandonnèrent le pays, afin de se soustraire aux punitions qu’ils méritoient. Les Anglois & les Hollandois tendirent les bras aux fugitifs, & quelques autres passèrent dans les différens états d’Allemagne.
Les étoffes de laine ne tardèrent pas à acquérir de la célébrité en Holande. En 1624 ce peuple fabriquoit vingt-cinq mille pièces de drap de qualité supérieure, que l’on distinguoit par la beauté de leur couleur, & par leur finesse. En 1650 la fabrication annuelle d’une seule province méridionale de Hollande, monta à deux mille six cens pièces de drap.
Si les Anglois & les Suédois ont été jusqu’au seizième siècle assez peu instruits dans la culture des jardins potagers, pour avoir fait venir de l’étranger de la salade, des choux, des navets & autres légumes semblables, il faut convenir que ces nations pensantes ont beaucoup surpassé leurs rivales dans la perfection des laines. Les Anglois, à l’exemple des Romains, attribuent leurs progrès à une de leurs reines, épouse d’Édouard le vieux ; elle éleva les princesses ses filles dans l’exercice de l’art qu’elle avoit elle même appris à la campagne avant son mariage avec le roi en 918 ; depuis cette époque les manufactures se multiplièrent, & on forma en 1080 des communautés à Lincolk, à Yorck, à Winchester. Ce fut en 1331 que les Flammands exilés apportèrent en Angleterre leurs talens & leur industrie, attirés par les privilèges qu’on leur accorda. C’est à cette époque à laquelle il faut remonter pour la célébrité des draps de l’Angleterre. Vers l’an 1582, on exportoit annuellement deux cent mille pièces de drap ; en 1600, on en exporta pour la valeur d’un million ; en 1699, pour deux millions neuf cent trente deux mille deux cent quatre-vingt douze livres sterling, dont la valeur faisoit la cinquième partie de tous les effets exportés pendant cette année. La liberté & la protection spéciale du Gouvernement n’ont pas peu contribué à augmenter & à perfec-