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mande, coûteroit plus que l’achat du sol. La terre rougeâtre, que le cultivateur appelle aigre, est dans le même cas ; elle est bonne, tout au plus, à la culture des navets. Un des grands défauts de la terre pour les jardins, est d’être trop forte, trop compacte, trop liante ; elle retient l’eau après les pluies, se serre, s’agglutine & se crevasse par la sécheresse. Lorsque le local ou la nécessité contraignent à la travailler, la seule ressource consiste à y transporter beaucoup de sable fin, des cendres, de la chaux, de la marne, de grands amas de feuilles, & toutes sortes d’herbes, afin d’en diviser les pores. Malgré cela, en supposant même tous ces objets réunis & transportés à peu de frais, ce ne sera qu’après la troisième ou quatrième année que l’on commencera réellement à jouir du fruit de ses dépenses & de ses travaux.

Après avoir reconnu la qualité de la couche supérieure jusqu’à une certaine profondeur, on doit s’assurer de la valeur de la couche inférieure. Si celle-ci, par exemple, est sablonneuse, elle absorbera promptement l’eau de la supérieure, & le jardin exigera de plus fréquens arrosemens. Si au contraire elle est argilleuse, il ne sera pas nécessaire d’autant arroser pendant l’été ; mais dans la saison des pluies, il est à craindre que les plantes ne pourrissent. Ces attentions préliminaires sont indispensables avant de fixer l’emplacement d’un jardin. De ces généralités, passons à la pratique.

Long-tems avant de tracer le plan d’un jardin, on doit avoir mûrement examiné les avantages & les inconvénient du local, la position de l’eau, la facilité dans sa distribution, la commodité pour des charrois, le transport commode & le lieu du dépôt des engrais, enfin la position où seront construits le logement du jardinier, le hangard destiné à mettre à couvert les instrumens aratoires, & le terrein destiné au placement des couches, des châssis, des serres, &c. suivant l’objet qu’on se propose.

Le plan & le local une fois décidés, & le jardin tracé, il ne s’agit plus que de défoncer le sol, afin que dans la suite on soit en état de le travailler par-tout également. Si un particulier aisé entreprend la confection d’un jardin, il doit ouvrir des allées de communication entre chaques grands quarreaux ; celle du milieu, & qui correspond à l’entrée, sera la plus large. (Consultez le mot Allée, relativement aux proportions à garder.) Le jardin de l’humble maraîcher n’a pas besoin de cet agrément, son but capital est de profiter du plus de superficie qu’il est possible.

Les allées tracées, on enlèvera la couche supérieure de terre, & on la mettra en réserve, suivant que le terrein total sera pierreux ; on excavera les allées, afin de recevoir les pierres & cailloux qui se présenteront lors de la fouille générale. Le grand point, le point essentiel est de si bien prendre ses précautions, qu’on ne soit jamais obligé de manier ou transporter deux fois la même terre.

Si le sol est marécageux ou simplement humide, ces pierrailles deviendront de la plus grande utilité, & serviront à établir des aqueducs, ou filtres ou écouloirs souterreins, qui transporteront les eaux au-dehors de l’enceinte. Afin d’éviter les répétitions,