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che supérieure & sa qualité, & suivant celle de l’inférieure, &c. &c. Si la terre est bonne, à quoi serviront des labours plus profonds que le point auquel doit s’étendre l’extrémité des racines ? À rien quant au besoin réel, & à beaucoup quant à la perte des principes par l’évaporation. Si le sol est depuis long-temps simplement égratigné par de petits labours, il est clair que cette couche de terre, sans cesse remuée, est appauvrie, & qu’il convient de la mélanger avec l’inférieure, mais non pas en une quantité disproportionnée, excepté dans les labours d’hivernage. Pendant les labours de division ou les derniers, elle n’auroit pas le temps de s’imprégner des effets des météores. Les profonds, & très-profonds labours écrasent les bêtes de fatigue, donnent de belles récoltes pendant quelque temps, & finissent par ruiner le sol, à moins qu’on ne répare ses pertes en multipliant les engrais. Dans un champ mal travaillé de longue main, un labour de six à huit pouces de profondeur réelle, est plus que suffisant. S’il survient de grosses pluies, pour peu que ce champ ait de pente, une grande partie de la terre est entraînée : voilà comment s’abaissent successivement les coteaux, & les plaines s’enrichissent à leurs dépens. Dans ce cas, on appauvrit la terre matrice, c’est une perte réelle, puisque l’humus qui a été dissout & entraîné par l’eau, fournit lui seul la charpente des plantes.

Dans un terrein de qualité médiocre, ou sabloneux, ces profonds labours sont désastreux ; ils facilitent l’évaporation du peu d’air fixe qu’ils contiennent.

Les terreins tenaces, argilleux, crayeux, sont les seuls qui exigent de profonds labours ; mais on ne doit venir à une grande profondeur que petit à petit. En effet, à quoi servira une masse d’argille ou de craie qu’on amènera à la surface, & dont le volume sera du double de celui de la terre que les météores, les labours & les engrais ont rendue végétale ? Ici, toute proportion est rompue, le mauvais domine sur le médiocre, le médiocre sur le bon ; une chétive récolte sera la récompense d’un travail fait à contre-sens. Je conviens cependant qu’à la longue, & en soutenant toujours la même profondeur des labours, on parviendra à améliorer la masse de terre soulevée. Il auroit mieux valu le faire petit à petit, on auroit eu chaque fois des récoltes passables.

On auroit tort de conclure que je suis ennemi des profonds labours ; au contraire, je persiste à dire qu’ils font excellens ou très-nuisibles, suivant les circonstances ; enfin, que les labours avant & après l’hiver doivent nécessairement être de six à huit pouces de profondeur, lorsque le local le permet. Cette profondeur ramène, à une juste proportion, la terre neuve sur la superficie ; elle a le temps de se combiner intimement avec l’ancienne, de s’imprégner du sel aérien, de la lumière du soleil, &c. enfin la profondeur de ces premiers labours, facilite le travail des derniers.

Des écrivains engagent à faire des labours francs, d’un pied de profondeur, d’un seul coup, & ils en parlent comme d’une chose très-facile. Je suis fâché de ne pas avoir leurs