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de leur maître, rapportés au mot culture, & de finir par dire : comparez un champ labouré d’après votre méthode, & comparez la récolte que l’on obtiendra d’après la nôtre : je conviendrai avec ces Messieurs que dans l’origine ils auront un grand avantage sur moi ; c’est-à-dire que si nous prenons tous deux un champ quelconque, & parfaitement égal dans toutes les circonstances, ils auront la première année une récolte bien supérieure à la mienne, parce que leurs labours réitérés & multipliés au point de rendre la terre meuble comme celle d’un jardin, ont forcé, ont actionné tout-à-la-fois, si je puis m’exprimer ainsi, jusqu’aux dernières molécules du sol ; il n’est donc pas étonnant si la récolte est belle. Voilà le beau côté du tableau ; voyons actuellement le revers ; comptons combien il a fallu de labours pour faire acquérir à cette terre cette souplesse, cette division forcée. Estimons la valeur ou le prix qu’on aura payé pour chaque labour, & du tout faisons-en un total. Actuellement, il faut estimer la valeur du produit de la récolte, & faire le tableau de comparaison de dépense & de recette. La même opération doit être répétée pour le champ labouré à grands intervalles, mais dans les circonstances convenables, & on verra que le produit réel, déduction faite de toutes dépenses, sera au moins au pair par les deux méthodes. Admettons que celui de la première soit supérieur & très-supérieur, il ne prouvera rien, sinon que la terre de ce champ a été forcée, & que la végétation des bleds l’a épuisée. Il est aisé de le prouver, en répétant plusieurs années de suite les mêmes opérations sur chaque champ, & l’on verra que peu-à-peu le premier s’appauvrira & le second s’enrichira : cela est si vrai, que les partisans les plus zélés du système de M. Tull, ont ouvert les yeux, & qu’ils ont vu enfin que la dépense excédoit le produit. Il n’est donc pas surprenant d’entendre dire que la terre s’appauvrit : cela est vrai, lorsque l’on travaille mal, lorsque l’on force son évaporation, & sur-tout quand on croit suppléer les engrais par des labours multipliés. Les avantages réels des engrais, consistent dans la substance huileuse & graisseuse qu’ils fournissent à la terre, & qui devient savonneuse, en s’unissant avec les sels & l’eau ; dans cet état, elle forme la matière de la sève, ainsi qu’il a déjà été dit si souvent dans le cours de cet ouvrage. Mais un avantage bien réel encore que la terre tire d’eux, c’est l’absorption de leur air fixe, surabondant, qui se dégage lors de leur décomposition, ou lors de leur conversion en matériaux de la sève. Une partie de cet air est pompé par les racines avec la sève, & l’autre est réabsorbée par les feuilles à mesure qu’elle s’échappe de la terre. L’exemple du vase mis sous le récipient dont on a parlé, suffit pour le prouver. (Voyez encore les trois expériences citées tome I, page 481, au mot Amendement). Il me paroît bien difficile de se refuser à ce genre de preuves.

Il ne me reste plus qu’à examiner si les labours profonds & très profonds, méritent les éloges que leur ont donné plusieurs auteurs.

On a déjà vu que le bon agriculteur proportionnoit la profondeur des labours, suivant l’épaisseur de la cou-