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1°. que d’enterrer le plus d’herbes qu’il est possible. Or, si on laboure coup sur coup, il n’y aura point d’herbes & beaucoup d’évaporation inutile. J’ai dit & je dirai sans cesse que ces herbes rendent plus à la terre qu’elles n’en ont reçu, & que par leurs décompositions elles deviennent un des premiers élémens de la sève & de la charpente des plantes à venir. 2°. De ramener la terre de dessous au-dessus, afin de lui donner, non le tems de se cuire, suivant l’expression triviale, mais de s’imprégner des effets des météores, de la chaleur & de la lumière du soleil. Or, par les labours répétés & multipliés, ces opérations ne peuvent avoir lieu, surtout la dernière ; & par la première, la terre, il est vrai, est bien remuée, mais celle de dessous y revient trop vite, & ne reste pas assez long temps exposée à l’air. Ces faits sont si vrais, que les plus grands partisans des fréquens labours ont vu & sont convaincus par l’expérience, que leurs terres, après plusieurs années, ont été plus épuisées, qu’en suivant les méthodes ordinaires. On échaffaude des systèmes, on prend pour leur base un objet de comparaison quelconque ; par exemple, la fécondité du sol d’un jardin ; ou conclut du petit au grand ; tout l’édifice s’écroule enfin, après avoir ruiné le zélateur du système. Personne n’a jamais douté de la bonne qualité des terres des jardins ; mais vouloir rendre celles des champs égales, la chose est, moralement parlant, plus qu’impossible. Si on le tente, la dépense excédera la valeur de l’achat du champ, & on l’épuisera à coup sûr à la longue, à moins qu’on n’y multiplie les engrais ; eux seuls peuvent réparer les pertes causées par l’évaporation. Ne voit-on pas que, dans un jardin, les engrais animaux sont très-multipliés, & que chaque quarreau est fumé au moins une fois par année ; que les débris des feuilles, des tiges, &c. fournissent perpétuellement les matériaux de la sève, & : qu’il en est de ces herbes, relativement au jardin, comme des herbes pour un pré. Il n’y a qu’une seule méthode capable de faire, très à la longue, ressembler le sol d’un champ à celui d’un jardin ou d’un pré, c’est d’alterner ce champ, (Voyez ce mot) c’est d’y créer, d’y multiplier des plantes, & de les y enterrer.

Les grosses chaleurs passées, chacun suivant son climat, il est temps alors de commencer les labours de divisions, c’est-à-dire, ceux qui doivent émietter la terre. On suppose que les trois premiers auront été donnés à une profondeur convenable ; dès-lors ces derniers s’exécuteront sans peine. C’est le cas de croiser & de recroiser les premiers ; mais après ce premier labour, de passer la herse, (Voyez ce mot) qui divisera les mottes, par conséquent le second croisage n’en soulèvera plus, & s’il en soulève encore un grand nombre, on hersera de nouveau. Si la terre est assez ameublie, ces deux labours suffiront, & la terre recevra la semence sur un troisième labour, ou sur un quatrième, si le besoin l’exige, ce que je ne crois pas. L’avantage de passer la herse sur chaque labour, excepté sur le dernier avant de semer, ne consiste pas seulement à briser les mottes, il empêche que l’évaporation ne soit aussi forte que si le sillon