Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/14

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions sont générales ; mais elles souffrent de grandes restrictions. Avant de déterminer l’emplacement d’un légumier, on doit connoître depuis deux à trois ans quels sont les vents dominans du climat, & surtout les points d’où partent les vents impétueux & les orages. Les quatre points cardinaux désignent les principaux vents ; mais dans tel canton le nord, par exemple, y amène les froids, les glaçons & des coups de vents terribles, tandis que dans d’autres le nord-ouest est le seul glacial & orageux. Ici le vent d’est est dévorant par sa chaleur, tandis que dans la province voisine c’est le vent pluvieux. Que conclure, sinon que toute règle générale en ce genre est abusive, & que l’étude seule des climats & des abris du canton doit fixer l’emplacement d’un jardin potager ? Cependant, comme l’eau est la base fondamentale de la prospérité d’un jardin, on doit y avoir égard, à moins que la source, la pompe, le puits ou le réservoir soient placés sur un lieu assez élevé pour que l’eau coule par sa pente naturelle près de l’extrémité, dans de petits bassins, si on arrose à bras, ou à son entière extrémité sur toutes ses parties, si on arrose par irrigation.

Si le légumier est d’une vaste étendue, on aura beau multiplier les réservoirs particuliers, remplis par l’eau du réservoir général, ou par celle de la pompe, ou par celle du puits, il ne faudra pas moins pomper ou puiser cette eau, & arroser à bras cette vaste superficie Que de soins perdus, & sur-tout que de peines pour les malheureux valets chargés des arrosemens ! La noria, ou puits à chapelet (voyez ce mot, & indiqué à celui d’Irrigation), diminuera l’ouvrage des trois quarts, parce qu’il y a beaucoup de grosses plantes que l’on peut arroser ainsi, même dans nos provinces du nord. En supposant que la chose fût impossible, il en résulteroit toujours qu’une mule ou un cheval monteroit plus d’eau en deux ou trois heures, qu’un ou plusieurs hommes n’en monteroient dans les vingt-quatre. Économie dans la dépense, la première mise une fois faite, & économie dans l’emploi du temps, sont les premiers bénéfices.

Le potager doit être placé près de l’habitation & près des dépôts de fumier ; cependant, si le jardinier a son logement dans le légumier même, il est alors presqu’indifférent qu’il soit plus ou moins rapproché de l’habitation du maître, parce que le jardinier est dans le cas de veiller à sa conservation & d’empêcher les dégâts. Malgré cela, il est bon que le maître puisse, de sa demeure, voir ce qui se passe dans son potager, surveiller son jardinier & ses valets. Il n’est pour voir que l’œil du maître, sur-tout lorsqu’il n’est pas d’humeur & qu’il ne croit pas être du bon ton de se laisser voler & piller impunément.

Quelques auteurs conseillent de placer le légumier à la naissance d’un petit vallon, parce qu’elle forme une espèce d’amphithéâtre circulaire, plus ou moins allongé. J’adopte leur sentiment jusqu’à un certain point. Il est clair que cette situation offre les différentes expositions, & multiplie les abris ; & par conséquent, on peut avoir mieux que par-tout ailleurs, & jardin d’été, & jardin d’hiver. Malgré ces avantages, il convient d’y renoncer complettement, pour peu que le plan incliné soit, je ne dis pas ra-