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inutile, il avoit remarqué de plus que le bled qui venoit sur les deux côtés de ces sillons réussissoit assez mal ; pour obvier à cet inconvénient, il a changé ses sillons ou sangsues, ou rigoles, en fossés couverts. Il creuse à cet effet, dans le lieu convenable, & à la place de ces sillons, un fossé de deux pieds de profondeur qu’il remplit de cailloux jusqu’à moitié ; il met par dessus des branches de sapin, & achève enfin de remplir son fossé avec la terre qu’il en avoit sortie, de manière que tout se laboure sans aucun inconvénient.

Les pâtures n’ont rien de particulier ; ce sont de mauvaises terres anciennement couvertes de bois rabougris par la dent du bétail, lorsque les arbres faisoient leur première pousse ; aussi ces friches sont peu profitables au bétail, puisqu’elles ne produisent que quelques plantes de millepertuis, de thithimale ou de fougère.

Je passerai à l’espèce de culture qu’il donne à ses bois. Son premier objet est la multiplication de ses fumiers, comme nous l’avons dit plus haut ; il nettoie très-exactement ses bois & même ses arbres, ce qui fait que tout le terrein est couvert de jeunes rejettons qu’il recueille exactement pour l’augmentation de ses fumiers, & pour la litière de ses étables ; il évalue à deux charrois par an, ce qu’il retire par chaque arpent de bois.

Après avoir donné un détail très-raccourci des moyens employés par Kliyoogg pour améliorer son domaine, il ne sera pas inutile de faire part de sa façon de penser par rapport à l’agriculture en général. Un philosophe, (& celui-ci en mérite le nom), ne borne pas le bien, il n’a rien tant à cœur que de le voir propager ; telle est l’ambition de notre Socrate rustique. Il pense que si on veut parvenir à perfectionner l’agriculture d’un canton, il faut commencer par réformer les mœurs de ses habitans ; alors ces hommes seront susceptibles de prendre une véritable ardeur pour les travaux de la campagne. L’on pourra songer à améliorer les terres par des moyens physiques, & à changer des pratiques qui n’ont en leur faveur que l’ancienneté, contre d’autres dont un examen suffisamment réfléchi aura démontré la supériorité. Notre sage prétend qu’un moyen de redresser bien des abus, seroit que le gouvernement & l’habitant de la campagne se prêtassent mutuellement la main, afin de concourir au bien général ; alors l’intelligence viendroit diriger les mains laborieuses de l’habitant de la campagne ; il y auroit bien peu de pays qui ne suffise & au-delà, à la nourriture de ses habitans. Il voudroit aussi que les pasteurs, au lieu d’être si savans dans leurs sermons, où le paysan n’entend rien, s’arrêtassent un peu plus à expliquer, d’une manière assez claire & assez simple, comment il faut se conduire, & que l’essence de la piété consiste à remplir exactement envers le prochain les devoirs de la justice. Enfin, il n’y a que celui qui, toujours fidèle à la probité, & constant dans son travail, mange son pain à la sueur de son front, qui puisse se promettre la bénédiction du Tout-Puissant. Un cultivateur laborieux ne connoît point de mauvaise année, & rien ne sauroit troubler le contentement dont il jouit. Un fainéant au contraire attend tout du ciel, & s’en prend à l’injustice du sort, lorsqu’il recueille