Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/129

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

revend encore avec quelque bénéfice. Il a calculé qu’on pouvoit entretenir deux bœufs avec ce qu’il en coûtoit pour un cheval, à quoi on peut encore ajouter que le fumier de cheval n’est pas à beaucoup près d’un aussi bon engrais pour les terres, que le fumier des bêtes à corne.[1]

Notre sage économe ne tient qu’autant de bestiaux, qu’il peut en nourrir largement pendant toute l’année, avec le foin & l’herbe qu’il recueille ; sa paille est ménagée avec le plus grand soin, pour tout autre chose que pour la litière, qui est tellement prodiguée dans son étable, qu’on y enfonce jusqu’aux genoux.

Il a soin de ramasser dans l’étendue de ses possessions, toutes les matières propres à la litière, telles que des feuilles d’arbre, de la mousse, des feuilles de jonc, &c. Les branches les plus minces, & les piquans des pins & des sapins, lui fournissent sur-tout une ample provision de ces matières.

Voici sa méthode par rapport aux fumiers ; il laisse toujours la même litière sous ses bestiaux pendant huit jours, & chaque jour il en répand de fraîche par-dessus, de sorte que cette litière se trouve bien imbibée par les excrémens, & elle a déjà acquis un degré de fermentation avant d’être transportée sur le tas de fumier ; au reste, cet usage ne lui a pas paru malsain pour ses bestiaux.[2]

Quand à ce qui concerne l’administration du fumier, voici comment il s’y prend ; il apporte la plus grande attention à empêcher que son fumier ne se dessèche pas, de crainte que la fermentation ne vienne à se supprimer tout-à-coup, ce qu’il prévient par de fréquens arrosemens ; il a fait creuser pour cet effet, sept grands trous quarrés & à portée, dans lesquels il laisse corrompre l’eau nécessaire à ses différentes opérations. Après avoir couvert le fond de ces trous de fumier de vache bien fermenté, & jeté par-dessus une assez grande quantité d’eau bouillante, il acheve de les remplir avec de l’eau fraîche sortant du puit.

Cet usage lui procure d’excellens fumiers, parfaitement corrompus dans un très-court espace de tems. Cette eau ainsi préparée, ne sert pas seulement pour le fumier, Kliyoogg l’emploie encore à l’amélioration de ses terres & de ses prés ; mais il faut avoir l’eau à portée, & du bois assez aisément pour que la dépense ne soit pas excessive.

Kliyoogg est si fort convaincu de l’utilité de la chaleur pour opérer la fermentation putride, qu’il croit que tout terrein, même le plus stérile, est susceptible d’être fertilisé en y mettant le feu. Il se fonde sur les mêmes principes, pour conclure qu’une année, dont l’été aura été fort chaud &

  1. Note du Rédacteur. Cela dépend de la qualité du sol qu’on doit enrichir ; le fumier produit par les animaux ruminans, contient moins de parties salines que celui des non ruminans. (Voyez les mots Engrais, Amendemens.)
  2. Il faut considérer qu’il s’agit ici de la Suisse, pays froid, & que la litière est très-épaisse. Dans les pays plus chauds, dans les provinces méridionales, ce procédé seroit funeste ; il vaut beaucoup mieux pour le fumier, que sa fermentation une fois commencée ne soit pas interrompue.