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Lorsque la saison n’est pas chaude, on place la baste près du feu ; & dans l’espace de temps dont je viens de parler, toute la pâte du caillé, par un effet continu de la présure, aidé de la chaleur, augmente de volume assez considérablement. On y voit une infinité d’yeux, de vides qui sont dispersés dans la masse, comme dans une pâte levée : on dit alors que le caillé est poussé, & on l’appelle tomme. D’après ce fait, je suis tenté d’attribuer à l’action de la présure les trous du fromage cuit, dont on n’a pas développé la cause dans le chapitre précédent.

Je dois faire remarquer qu’on lave soigneusement de trois en trois jours, dans de l’eau tiède, la paille qui sert à soutenir les gâteaux de caillé, de peur que le petit lait qui s’y attache, ne contracte un goût d’acide qu’il communiqueroit à la tomme. On ne lave la paille qu’une fois, après quoi on en met de nouvelle.

Dès que la tomme est poussée, on l’emploie à faire des fromages. Pour cette grande opération le vacher se met sur une table ovale, faite à peu près comme la table d’un pressoir, avec une rigole tout autour, & une goulerotte opposée diamétralement à la place qu’il occupe. (Fig. 8, 9, 10) Cette table est soutenue sur trois pieds ; elle se nomme chèvre. Le vacher met d’un côté une baste pleine de gâteaux de tomme, & de l’autre les trois pièces qui composent le moule du fromage. Ces trois pièces sont ; 1°. la fescelle, (fecella) ou le fond ; (Fig. 11) 1°. la feuille ; (Fig. 12) 3°. la guirlande. (Fig. 13) La fescelle est une petite boîte cylindrique de huit pouces environ de diamètre intérieur, dont le rebord s’évase à deux pouces & demi d’élévation. Le fond est un peu élevé au centre, (Fig. 11 B) comme dans la forme du fromage de Gerardmer ; on y a pratiqué cinq trous ; un dans le milieu, & quatre dans le contour. La feuille est un cercle de bois de hêtre ou de fer blanc, dont une partie rentre sur elle-même, de sorte qu’elle s’engage à volonté dans la fescelle. Cette lame circulaire a quatre pouces & demi de largeur. La guirlande est une portion de cône évidé, qui a deux pouces trois quarts de largeur sur sept pouces du petit diamètre supérieur, & huit pouces & demi de diamètre inférieur. Il faut observer que ces dimensions ne sont pas constantes, & qu’elles changent, suivant la grosseur des fromages ; mais celles-ci sont les plus communes, & elles varient peu.

Le vacher prend un gâteau de tomme, & en coupe un morceau qu’il pétrit dans la fescelle. Après y avoir jeté une poignée de sel, il achève de remplir la capacité de la fescelle de la tomme pétrie, salée & réduite en pâte, qu’il comprime le plus exactement qu’il peut. Ensuite il engage dans la fescelle le bord inférieur de la feuille, & remplit cette feuille, avec le même soin, de tomme pétrie & salée. Il place enfin dessus la guirlande qui maintient la feuille, parce qu’elle entre dans la guirlande de la largeur d’un pouce ; il la remplit jusqu’au bord de la pâte du caillé. On voit, dans la (Fig. 14 A.) les pièces du moule en situation. Le vacher recouvre le tout d’un morceau de toile, & transporte le fromage avec son moule sous une presse. (Fig. 14 B).