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3°. lorsque la pâte n’a pas eu une cuisson ménagée & une division assez grande, &c.

Au contraire, ils prennent trop de sel lorsque le ferment, ayant trop ouvert la pâte, en a désuni les principes, & les a réduits en masse grumeleuse qui s’émiette.

Les mark aires, après avoir remis leur fromage dans la forme, ramassent exactement le petit lait qu’ils ont tiré de la chaudière, & qu’ils ont mis en dépôt dans des baquets, & le versent dans la chaudière ; ils exposent la chaudière sur le feu, qu’ils ne ménagent plus jusqu’à ce que le petit lait bouille ; ils ont mis en réserve une certaine petite quantité de lait froid qu’ils versent à plusieurs reprises sur le petit lait bouillant. Ce mélange produit une écume blanche lorsque le petit lait a suffisamment bouilli. Dès qu’il la voient paroître, ils versent du petit lait aigri qu’ils gardent dans le baril dont il a été fait mention. L’effet de cet acide est prompt, on voit une infinité de petits points blancs qui s’accumulent en masses capables de surnager le petit lait, & qu’on enlève avec une écumoire. On nomme dans les Vosges, cette partie caséeuse, brocotte, en Italie, ricotta, & ceracée dans la Savoie ; c’est la nourriture ordinaire des markaires, & le régal de ceux qui vont les visiter ; elle est d’un goût fort agréable.

On reconnoît qu’on a retiré du petit lait toute la brocotte qui peut s’en dégager, & qu’on y a versé assez d’aigre, lorsqu’il ne se forme plus sur les bouillons une écume blanche. On donne aux cochons le petit lait pur, après en avoir remis dans le baril une quantité égale à celle qu’on en a prises, afin qu’elle s’aigrisse avec l’autre. Les markaires accommodent des truites & font de la salade avec cet aigre ; ils en boivent même pendant la préparation du fromage pour se rafraîchir, & ils le font avec un certain plaisir. Le petit lait non aigri & dépouillé de tout caillé, se nomme puron ou spuron.

La brocotte qu’on ne peut pas consommer sur le champ, se met sur une serviette qu’on noue par les quatre coins, & qu’on suspend ainsi ; (Figure 15) elle s’égoutte & forme des fromages qu’on nomme schigres. On les vend & on les consomme dans les environs. C’est proprement un fromage secondaire, précipité du petit lait par le moyen d’un acide.

Cette opération revient assez à la manière dont les apothicaires éclaircissent le petit lait, en y mêlant de la crème de tartre, qui agit comme acide, & qui dégage la partie caséeuse, qui y est comme dissoute. La portion de cette partie qui reste encore dans une espèce de combinaison avec le petit lait, a paru, à l’auteur de cette description, être environ le dixième de la partie qu’on a tirée d’abord. Ainsi, du petit lait dont on a tiré un fromage de quarante livres, on dégagera encore quatre livres de brocotte. Il paroît étonnant qu’on perde cette quantité-là dans la plupart des provinces de France, où l’on abandonne aux cochons le petit lait qui a donné le premier fromage.

II. Fromage de Gerardmer. Cette description est du même auteur que la précédente. Je parlerai ici, par occasion, des procédés qu’on suit dans les Vosges pour cette espèce de