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fage, qu’il garnisse au moins la lisière de ses champs par des arbres fruitiers ; le pis-aller sera de voir quelques fois une partie de ses fruits pillée & volée, s’il est dans le voisinage des villes ; mais on ne lui enlèvera jamais tout ; ces arbres fourniront à sa nourriture & à son chauffage, & il vendra les jeunes pour le service de la menuiserie.

Ce que je dis aux petits tenanciers, je l’adresse également aux grands propriétaires, & surtout aux pères de familles qui aiment leurs enfans. On peut croire qu’ils connoissent la valeur réelle de chacun de leurs champs, & d’après cette connoissance, ils doivent sacrifier ceux dont le produit couvre à peine les frais de culture ; surtout ceux qui sont le plus éloignés des habitations, dont l’exploitation est la plus difficile, & les plus sujets aux dégâts, occasionnés par les intempéries de l’air. Les terrains en pente sont dans ce cas ; les pluies les délavent, entraînent la bonne terre dans les bas, & insensiblement le tuf reste à nu ; les bois y remédieront. Si les possessions sont dans le voisinage des vignobles, c’est le cas d’y former des taillis de châtaignier ; (voyez ce mot) le débit en sera assuré pour les cerceaux & les échalas ; éloigné de cette consommation, plantez en chêne blanc ou vert, suivant le climat ; les taillis de mûriers, dans les pays chauds & secs, réussiront également.

Un bon père de famille doit chaque année consacrer une portion déterminée de son revenu à semer des bois, planter des arbres, & si bien calculer, qu’il ne dépense pas un écu au-delà de la somme destinée à cet emploi ; petit à petit, insensiblement, & presque sans s’appercevoir de la dépense, il couvrira ses coteaux d’une agréable verdure ; oh, combien dans la suite elle sourira à sa vue, & combien son ombre sera délicieuse ! voilà, dira-t-il à ses enfans, le travail de mes mains ; j’ai doublé la valeur de votre héritage, sachez-en jouir & imitez mon exemple. De ces objets de spéculations passons à la pratique.


CHAPITRE PREMIER.

Des Terrains propres aux Forêts.


De quelque nature que soit le grain de terre, il convient au bois. Cette assertion générale exige des modifications, & toutes les modifications quelconques se réduisent à dire, 1°. que tout sol dans lequel l’arbre peut facilement plonger ou étendre ses racines, est bon pour les forêts ; 2°. que chaque sol doit être planté en espèce de bois qui lui convient ; c’est-à-dire, que les espèces d’arbres à planter ou à semer, sont nécessairement dépendantes du climat & de l’exposition.


SECTION PREMIÈRE.

Du Sol en général.


L’argile pure & par grandes couches épaisses & solides, la craie, (voyez ces mots) dans les mêmes cas, peuvent, tout au plus & à la longue, devenir propres au semis des forêts ; cependant c’est presque le seul parti à prendre lorsqu’on veut en retirer un certain parti ; les premières avances sont coûteuses, & le produit dédommagera-t-il, compensera-t-il l’intérêt de la pre-