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sa masse, le markaire emploie une écuelle creuse (Fig. 9) avec laquelle il puise une plus grande quantité de petit lait qu’il verse dans ses baquets plats. (Fig. 6, A)

Il juge qu’il a puisé assez de petit lait, lorsqu’il en reste une quantité suffisante pour cuire la pâte du caillé, divisée en petits grumeaux, & pour l’agiter continuellement avec les mains, avec l’écuelle & avec les moussoirs, (Fig. 11 & 12) dont il se sert pour la brasser.

Lorsqu’on est parvenu à donner à la pâte la plus grande division possible, afin de lui faire présenter plus de surface à l’action du feu, on l’agite toujours, & on en ménage la cuisson en exposant la chaudière sur le feu, & en la retirant par le moyen de la potence mobile. La pâte est assez cuite lorsque les grumeaux, qui nagent dans le petit lait, ont pris une consistance un peu ferme, qu’ils font ressort sous les doigts, & qu’ils ont un œil jaune, c’est-là le point que saisit le markaire ; il retire la chaudière de dessus le feu, agite toujours & rapproche en différentes masses les grumeaux, ayant attention d’en exprimer le plus exactement qu’il le peut le petit lait. Enfin, il forme une masse totale des masses particulières, & la retire de la chaudière pour la mettre en dépôt dans un baquet plat, (Fig. 6, A.)

Il a eu soin de préparer le moule, de le placer sur la table, & d’étendre par-dessus une toile à claire voie. Il y comprime à toute force la pâte, en s’aidant de la toile dont il rapproche les extrémités ; il couvre le tout d’une planche qu’il charge de grosses pierres (Fig. 13, C.) Le petit lait s’égoutte, la pâte se moule & acquiert une certaine consistance. Le fromage reste pour cet effet, comprimé du matin au loir, on resserre seulement à différentes reprises le moule, en tirant la corde qui est fixée à l’extrémité extérieure ; enfin on retourne le fromage, & on lui donne une autre forme moins large que celle où il s’est moulé d’abord. Il reste dans cette seconde forme pendant trois semaines ou un mois sans être comprimé par ses bases, & on se contente de le maintenir dans son contour. On le sale tous les jours en frottant de sel les deux bases & une partie de son contour, & chaque fois qu’on le sale, on resserre le moule. C’est pour faciliter cette opération qu’on a mis un moule moins large, afin qu’on puisse porter le sel dans une partie du contour. Les markaires ont pour principes que ces sortes de fromages cuits ne peuvent prendre trop de sel : aussi ils y en mettent abondamment en le frottant pour les faire fondre & le faire pénétrer. Lorsqu’ils s’aperçoivent que les surfaces n’absorbent plus de sel, ce qui s’annonce par une humidité surabondante qui y règne, ils cessent d’y en mettre. Ils retirent le fromage du moule, & le mettent en réserve dans un souterrain. Plusieurs circonstances s’opposent à ce que ces fromages prennent un degré de sel suffisant, 1°. Lorsque la pâte n’a pas été assez ouverte par le ferment ou par la présure, ces fromages n’ont pour lors ni trous ni consistance ; 2°. lorsque le sel qu’on emploie a retenu, lors de l’ébullition, un principe gypseux qui forme sur le fromage une croûte impénétrable aux principes salins ;