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« On fait le fromage cuit dans des chaumes construites sur les sommets aplatis des plus hautes montagnes des Vosges, pendant tout le temps qu’ils sont accessibles & habitables, c’est-à-dire, depuis la fonte des neiges, en mai, jusqu’à la fin de septembre, où les neiges commencent à couvrir les montagnes. Une chaumière destinée au logement des markaires & de leurs vaches, & placée au milieu d’un district affecté pour les pâturages, a donné le nom à ces chaumes. Le terme de markaire est consacré pour indiquer les pâtres qui ont soin des vaches, & qui préparent le fromage, ainsi que ceux qui sont à la tête de ces établissemens économiques. De markaire on a formé markairie, qui signifie également la chaumière & la science de faire les fromages cuits.

Ces habitations ou markairies sont composées d’un logement pour les markaires, d’une laiterie & d’une écurie pour les vaches ; le plus souvent la laiterie n’est pas distinguée du logement des markaires, mais il y a toujours à part une petite galerie destinée à placer les fromages qu’on sale sur des tablettes de planches de sapin fort larges.

Le corps de ces constructions est fait de madriers de sapin, placés horizontalement les uns sur les autres, & maintenus par de gros piquets ; l’intervalle des madriers est rempli de mousse & d’argile, ou scellé de planches : toute cette cage, qui n’a pas plus de sept pieds d’élévation, est surmontée d’une charpente fort légère en comble, couverte de planches.

L’écurie est le plus souvent un bâtiment séparé de l’habitation des markaires ; on a soin de la placer au-dessous d’une petite source, telle qu’il s’en trouve fréquemment sur ces montagnes élevées. L’eau conservée d’abord dans un réservoir qui domine ces habitations, est conduite par des tuyaux de sapin, mis bout à bout, dans le logement des markaires, & sur-tout dans l’écurie. La construction de l’intérieur de l’écurie paroît avoir été arrangée dans une intention bien décidée de tirer parti de cette eau. Le sol de l’écurie est garni des deux côtés de deux espèces d’estrades faites de planches de sapin, & élevées un pied au-dessus du canal qui les sépare, & qui occupe le milieu de l’écurie. Chacune de ces estrades, n’a que la largeur nécessaire pour que les vaches puissent s’y reposer ou s’y tenir debout en rang ; de cette manière les planches ne sont que très-peu salies, & seulement à l’extrémité qui avoisine le canal, par la fiente des vaches, qui tombe presque directement, pour la plus grande partie, dans ce canal. Les markaires ont grand soin, le matin & sur les deux heures, lorsqu’ils ont lâché les vaches, de nettoyer les planches. Ensuite ils font couler l’eau du réservoir qui traverse le canal, & entraîne au dehors tout le fumier qui s’y étoit amassé. Par ce moyen les vaches se passent de litière, ce qui est un grand objet d’économie, car la paille est très chère & très-rare dans tout le canton.

Dans le logement des markaires, qui est aussi sur la laiterie, on remarque d’abord le foyer placé à un des angles du bâtiment, sans tuyau de cheminée. Quatre ou cinq assises de granit ou de pierre, de sable,