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pouvoient les avoir frappé avant la maladie.

Les symptômes qui peuvent nous faire craindre une frénésie prochaine, & qui ont coutume de la précéder, sont une douleur à la tête, les trop grandes veilles, le sommeil interrompu, une rougeur au visage, & sur-tout aux yeux ; ceux-ci deviennent parfois troubles, les malades voient tous les objets en rouge ; un tintement d’oreilles ; ils ressentent une douleur à l’occiput ; les urines qu’ils rendent sont très-chargées ; bientôt après elles deviennent rares & très-limpides ; ils rendent par le nez quelques gouttes de sang ; la sensibilité du système nerveux est portée au dernier degré ; & quoique nous aions déjà avancé que le pouls étoit quelquefois foible, nous pouvons assurer avoir observé les soubresauts des tendons.

La frénésie peut être une maladie essentielle, tout comme symptomatique. D’après cela elle peut dépendre d’une infinité de causes ; elle est souvent produite par un excès de travail ; par l’usage immodéré des liqueurs trop échauffantes & trop spiritueuses. Les passions de l’ame très fortes peuvent lui donner naissance, ainsi que la suppression des mois chez les femmes, & le flux hémorroïdal chez les hommes : l’exposition à la trop grande ardeur du soleil, sur-tout si l’on y a resté sans chapeau. Elle peut être encore l’effet de violens coups, de fortes contusions faites sur la tête, & de beaucoup d’autres accidens qu’on ne peut pas prévoir ; elle peut encore survenir à des fièvres aiguës, mal traitées, sur-tout si on a employé mal à propos les saignées, ou un régime acre & échauffant.

Mais la cause prochaine de la frénésie, est l’irritation excitée dans les membranes du cerveau par l’engorgement du sang, ou par une matière acre & mordicante. Toutes ces causes agissent avec plus ou moins d’énergie, selon les dépositions qu’on a à contracter cette maladie ; les personnes colériques, celles qui se nourrissent des alimens salés, épicés & de haut goût, qui ont beaucoup de sang, & qui n’ont pas éprouvé certaines hémorragies auxquelles elles sont sujettes, sont les plus exposées à cette maladie. La frénésie diffère de la parafrénésie, en ce que, dans celle-ci, les vaisseaux du diaphragme sont engorgés, & que le délire subsiste par la sympathie du nerf de la huitième paire.

Cette maladie est très-dangereuse, & très-souvent funeste ; sa terminaison est prompte, & pour l’ordinaire, elle ne va jamais au-delà du septième jour, quand elle prend une mauvaise tournure. Les signes qui présagent une destruction prochaine & même assurée, sont une mobilité singulière dans les yeux, le tremblement des mains ; on voit les malades chasser aux mouches, accrocher sans cesse leurs doigts aux couvertures de leur lit ; on y observe encore un délire entrecoupé & obscur ; les questions qu’ils font, & les raisons qu’ils donnent n’ont aucune suite ; les urines se suppriment, la voix devient rauque, le délire cesse, à ce calme trompeur succède l’abolition entière de tous les sens, & enfin la mort.

Dans le traitement de la frénésie, il faut observer avec attention si la nature médite quelque évacuation critique, & l’aider, si elle peut être salutaire ; j’ai observé que le flux