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périr les racines de ces plantes, elles rendent à la terre, en pourrissant, plus de principes qu’elles n’en ont reçus, & le troupeau a eu un pâturage en vert, objet essentiel en cette saison. Le bon cultivateur défend l’entrée du champ au troupeau, du moment qu’il s’aperçoit que la plante se dispose à monter en tige pour fleurir & grainer. Lorsqu’elle est en pleine fleur, il la renverse & l’enfouit par un fort coup de charrue : c’est ici le cas de la branche de saule, de l’oignon de scille, dont on a parlé plus haut. Ainsi, depuis le mois de mai, jusqu’au moment de semer, le cultivateur a tout le temps nécessaire pour tourner & retourner sa terre, & lui donner les labours nécessaires à la récolte suivante.

Si le sol est bon, il sème en février sur le blé en herbe, le grand trèfle, appelé d’Espagne, (voyez le mot Trèfle) ; il végète lentement tant que le blé est sur pied ; mais dès qu’il est abattu, s’il survient un peu de pluie, on est assuré d’avoir une bonne coupe en septembre ou en octobre, & l’année suivante, pour peu que la saison favorise, trois coupes très fortes, & même quatre, si on veut conserver en trèfle ce champ pendant deux années consécutives en plein rapport : la racine pivotante, le débris des feuilles & les dépouilles des insectes, font que la couche de superficie s’enrichit loin de s’appauvrir.

Si le champ est maigre, on le sème après l’hiver, en sainfoin ou esparcette, que l’on laisse subsister pendant deux ou trois ans, & on parvient à la longue à le bonifier & à lui faire produire deux ou trois années de suite des récoltes en seigle.

Si le champ est maigre, & malgré cela précieux à cause de sa proximité ou de la métairie ou d’une ville, après l’avoir labouré convenablement à la fin de l’hiver, on le sème en lupin, (voyez ce mot), qu’on enterre lorsqu’il est en pleine fleur.

Enfin, lors du battage des grains, on rassemble tous les rebuts, & on sème pêle-mêle, froment, seigle, orge, avoine, &c. au temps ordinaire des semailles, & voilà un fourrage d’hiver pour les troupeaux. Dès que l’épi commerce à monter, dans les pays où les sécheresses sont à craindre, on laboure & on enterre l’herbe ; & dans ceux où les pluies ne sont pas rares, on attend que les tiges soient plus élevées pour les enterrer.

C’est ainsi que, modifiant les semailles, suivant la nature des champs, suivant les besoins des métairies, la terre ne reste jamais en jachère.

3°. Les partisans de la suppression des jachères ne peuvent se dispenser de convenir qu’il est très-difficile dans les provinces vraiment méridionales du royaume, de ne pas admettre les jachères à cause des longues & excessives sécheresses du printemps & sur-tout de l’été. En effet, dans les grandes métairies, si on n’a pas donné les deux premiers labours pour soulever les terres, à la fin de l’hiver, où la terre est encore humide, on court grand risque d’être forcé d’attendre jusqu’en septembre, & quelquefois en octobre, pour labourer convenablement ; alors tout est fait à la hâte, & par conséquent très-mal. D’ail-