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morte, en ce que cette dernière propriété est commune à toutes les fibres du corps animal, comme membranes, vaisseaux, tissu cellulaire ; que la première n’appartient qu’à la fibre musculaire ; que la force morte ne consiste que dans la tendance continuelle de la partie au plus grand raccourcissement possible, à résister à l’extension, & à rétablir la fibre dans sa brièveté naturelle, quand elle a été forcée à se laisser tendre ; effet qui a lieu, après la vie, puisqu’elle subsiste dans la fibre du cadavre, comme dans la corde à boyau, une membrane desséchée, une peau. Si vous la piquez ou la coupez, la blessure s’élargit d’elle-même par le rétrécissement du tissu fibreux qui l’environne. Rien de pareil dans la fibre musculaire irritée ; elle éprouve des accès de contraction & de relâchement alternatif, mais point de rétrécissement constant & permanent.

La sensibilité est une affection de l’ame à l’occasion d’un changement arrivé dans le corps. Ainsi, la différence entre l’irritabilité & la sensibilité est frappante. Bien plus, l’une & l’autre peuvent exister ensemble, & dans la même partie, sans que cependant, l’une puisse être confondue avec l’autre. Une partie qui contient des nerfs & des muscles, sera irritable par les muscles, & sensible par les nerfs. Le nerf est sensible par sa force nerveuse, mais il n’est pas irritable. Piquez un nerf, irritez-le, il n’éprouvera point le jeu de l’irritabilité, mais le muscle auquel il se distribue entrera sur le champ en convulsion. Au contraire, irritez les fibres charnues d’un muscle, il n’y aura point de contraction dans le tronc du nerf. La sensibilité n’est pas proportionnée à l’irritabilité dans les parties qui réunissent l’un & l’autre. L’estomac est extrêmement sensible, les intestins le sont moins, & cependant ils sont plus irritables que l’estomac.

L’irritabilité survit à la sensibilité. L’animal mort, plus de partie sensible, & le cœur & les muscles sont encore irritables. On pourroit pousser encore plus loin ce parallèle de l’irritabilité & de la sensibilité, mais il deviendroit inutile dans cet Ouvrage, où nous voulons examiner si le règne végétal jouit réellement de cette faculté singulière.

Les agens qui mettent en jeu les fibres irritables, sont, d’après l’observation de différens physiologistes, qui se sont occupés de cette partie, les corps aigus & tranchans, une chaleur vive, le feu, les liqueurs acides, mais sur-tout l’air, principalement pour les vaisseaux irritables.

D’après cet apperçu sur l’irritabilité animale, cherchons quelles sont les parties de la plante qui jouissent de la même faculté.

On ne peut nier qu’on n’aperçoive dans les plantes certains mouvemens spontanés ou produits par la présence d’un autre corps. Le mouvement insensible, & toujours existant, qui produit la circulation des différens fluides qui animent la plante, le retournement & la nutation des tiges & des feuilles, l’explosion des anthères & le jet de la poussière séminale, le bâillement du stigmate du pistil à l’instant où la poussière séminale le touche, l’action par laquelle certaines fleurs s’ouvrent le jour & se referment la nuit, l’épanouissement des autres, l’explosion de quelques péricarpes, &c. &c.,