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avec une pioche quarrée, large de cinq à six pouces, sur huit à neuf de hauteur, & coupée quarrément dans le bas, ou bien avec une pioche fourchue, large d’un pied dans le haut, & divisée en deux branches longues de 12 à 15 pouces, & terminées en pointe. On commence à travailler un bout, & l’on continue jusqu’à l’autre extrémité, en jetant la terre toujours derrière soi. Il résulte nécessairement, qu’à la partie où l’on finit, il manque la portion de terre jetée en arrière ; mais pour prévenir cet inconvénient, & mieux diviser la terre, on recommence un nouveau labour par l’endroit où l’on avoit fini, & on continue jusqu’à l’autre bout ; alors tout le terrain se trouve défoncé, & au même niveau. L’habitude, la terrible habitude ne permet pas aux ouvriers de changer de méthode. Je leur ai proposé de substituer la bêche (voyez ce mot) aux instrumens dont ils le servent, je leur ai fait voir, par expérience, qu’il étoit aussitôt fait de bêcher une table que de la biner deux fois, & que la bêche avoit l’avantage de remuer la terre à 10 pouces de profondeur, de ramener sûrement la terre du dessous en dessus, & de la mieux émietter qu’avec tout autre instrument. Ces entêtés en conviennent, & ne veulent pas s’en servir.

Lorsque toute la table est travaillée, le jardinier prend son cordeau, l’étend sur toute la longueur de la table, du côté de la rangée d’arbres où il doit laisser un passage ; c’est-à-dire, environ deux pieds. Là, avec le manche d’un râteau, ou avec tel autre bois pointu, il sillonne une petite raie le long du cordeau. Il le transporte à 18 pouces dans la table, & sillonne comme la première fois. Cet espace est destiné à former, dans la suite, la rigole EE.

Actuellement il s’agit de tracer les sillons transversaux de la table. Si l’ouvrier est novice, il se sert encore du cordeau, & les trace ; mais pour peu qu’il soit exercé, le coup-d’œil lui suffit. Les bons jardiniers mettent un certain amour-propre à faire correspondre sur le même alignement, tous les sillons des tables qui composent le carreau. Cet arrangement symétrique plaît, il est vrai, beaucoup plus à l’œil, & ne fait rien quant au fond.

À la seconde raie du cordeau ou raie intérieure, commence la table, proprement dite, celle qui doit être sillonnée. L’ouvrier, armé de l’instrument, Fig. 3, ouvre le sillon, comme on le voit en B, Fig. 2., & forme successivement l’ados A, avec la terre qu’il tire de l’endroit B. Le premier sillon & le premier ados une fois formés, il continue jusqu’au dernier de la table, c’est-à-dire, jusqu’à ce qu’elle soit toute garnie de sillons & d’ados. Autant que la situation peut le permettre, leur direction est du levant au couchant, & par conséquent une partie de l’ados regarde le nord, & l’autre le midi. On ne sauroit se persuader la différence de végétation de la même plante, pendant l’hiver, d’un côté de l’ados ou de l’autre. La végétation est toujours, bien plus vigoureuse du côté du midi ; cependant il ne s’agit que d’une élévation de quelques pouces au-dessus du sol. Or, si cette petite élévation influe si sensiblement sur une laitue, par exemple, combien donc ne doivent pas influer ces grands ados, ces grandes élévations, ces chaînes de mon-