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provinces du midi, suppose une culture totalement opposée à celle des provinces du nord, & elle pourroit être introduite avec succès dans beaucoup d’endroits du centre du royaume. La noria seroit même avantageuse dans celles du nord, non pour arroser par irrigation, mais au moins, pour éviter à ces malheureux jardiniers d’être attachés jour & nuit ou à une chaîne de puits, ou au balancier d’une pompe. Si on calculoit les frais, leurs journées, avec le peu de dépenses pour avoir de l’eau par la noria, on verroit que cette machine fournit en une ou deux heures plus d’eau qu’ils n’en tireront dans les vingt-quatre. Le même animal qui porte l’herbage au marché, serviroit à la faire mouvoir : il y auroit donc une très-grande économie. La seconde économie, aussi forte que la première, seroit de porter l’eau dans des réservoirs distribués dans le jardin, où le journalier la trouveroit rapprochée des carreaux qu’il veut arroser. Cet objet mérite d’être pris en sérieuse considération par les propriétaires ou locataires de vastes jardins ; enfin, par ceux qui veulent se procurer des cascades, des jets d’eau, ou arroser ce qu’on appelle aujourd’hui des jardins anglois. Ils pourroient même s’y procurer, à volonté, des ruisseaux d’eau claire & limpide : une noria & un réservoir suffisent, à moins que l’eau ne soit à une trop grande profondeur. De ces préliminaires, passons à la pratique.

De la culture d’un jardin arrosé par irrigation. Cette culture des jardins situés dans nos provinces ou dans les pays vraiment méridionaux, ne ressemble en rien à celle des pays du nord, & même de l’intérieur de la France : elle ne commence à être mise en pratique qu’un peu au-dessous de Montelimard jusqu’à Amibes, & d’Antibes jusqu’à Perpignan, en côtoyant toujours la Méditerrannée, sans s’enfoncer à plus de 12 à 20 lieues dans les terres dans la partie du Bas-Languedoc. La raison en est bien simple, si l’on se rappelle ce qui a été dit au mot agriculture (voyez ce mot), en parlant des bassins & des abris, qui seuls décident & nécessitent tel ou tel genre de culture : s’en écarter seroit la plus grande de toutes les erreurs ; point essentiel auquel les écrivains sur l’agriculture ont fait peu d’attention. Ils ont voulu généraliser, & après s’être trompés, ils ont trompé les autres. Je le répète, la culture d’Espagne, d’Italie, ne doit pas plus ressembler à celle d’Allemagne, que celle des provinces du midi de la France doit ressembler à celle du nord de ce royaume. Les abris, & quoi encore ? les abris ; voilà la grande loi, la règle unique.

Supposons une étendue de terrain quelconque, destinée pour un jardin, avec un juste niveau de pente relativement à sa largeur, son étendue, & au point d’où l’eau doit partir pour arroser la totalité. Il s’agit actuellement de le diviser en carreaux, les carreaux en tables, & les tables en sillons.

On ne voit des carreaux, proprement dits, que dans les jardins des bourgeois ; ils sont séparés les uns des autres par des allées, Fig. 4. A. La grandeur & la largeur de ces carreaux dépend de celle de la totalité du jardin. Ils sont ordinairement quarrés, &. de 25 à 30 toiles en tout sens.

Les tables ont ordinairement de 40