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Condamine se rendit l’apologiste de l’inoculation. Tout le monde s’en occupa, les uns pour la faire adopter, les autres pour la faire rejeter. On écrivit pour & contre, avec un égal enthousiasme. Il en est résulté que l’inoculation doit être pratiquée. L’inoculation est tellement répandue en Angleterre, que le premier soin d’un officier est de faire inoculer ses jeunes recrues, si elles n’ont pas eu la petite vérole, & que la première information que fait un maître à son domestique, est s’il a été inoculé, ou s’il a eu la petite vérole. D’après cet exemple, l’inoculation ne devroit plus trouver de contradicteurs. Il est donc à souhaiter pour le bien de l’état, pour l’intérêt de chaque individu, qu’on l’adopte par-tout, & que ceux qui ont été jusqu’ici ses détracteurs, deviennent ses plus zélés partisans, à moins que l’ignorance ou l’opiniâtreté ne les aveugle. Qui pourroit aujourd’hui ne pas reconnoître les avantages qu’elle procure ? Pour les mieux sentir, suivons l’inoculation dans sa marche ; mais il convient de parler d’abord de la préparation qu’on fait subir aux enfans.

Préparer un enfant à l’inoculation, c’est lui donner un état de santé qu’il n’a pas. D’après ce principe, un enfant qui se porte bien, n’a besoin d’aucune préparation. On a vu beaucoup d’enfans être hors d’état d’être inoculés, pour être devenus malades à la suite d’un régime de vie trop sévère auxquels on les avoit réduits.

On ne doit préparer que ceux qui sont souvent malades, pléthoriques, & sujets aux vers, ou qui ont l’estomac surchargé de pourriture. Pour l’ordinaire on fait prendre pendant trois jours consécutifs, à ceux qui ont des vers, un bol fait avec 4 ou 5 grains de mercure doux, autant d’yeux d’écrevisses, & quelques grains de jalap en poudre, qu’on incorpore dans suffisante quantité de conserve de rose. On leur fait avaler par-dessus une tasse d’eau sucrée.

La saignée est indispensablement nécessaire aux jeunes gens fortement constitués & pléthoriques, qui saignent habituellement par le nez, qui sont sujets aux douleurs de tête. Le célèbre Gandoger veut que l’on commence chez eux la préparation par une saignée, & qu’on la répète le lendemain de l’inoculation.

L’on purge d’une manière convenable, ceux qui ont l’estomac & le reste des premières voies embarrassées, ou bien ils sont simplement soumis à l’eau de rhubarbe.

En général, on interdit aux enfans qu’on veut inoculer, toute espèce de viande. On les réduit à la diète végétale, à l’usage des légumes & des farineux cuits à l’eau, & à celui des fruits bien mûrs. Quand on soupçonne chez eux de l’acrimonie dans les humeurs, ou lorsque leur peau est infectée de dartres, de boutons, & de démangeaisons, on leur donne du petit lait pour boisson ordinaire, ou une légère eau d’orge coupée avec parties égales de lait. De plus, on leur fait prendre des bains tièdes une ou deux fois le jour, si leur tempérament peut les supporter.

Toutes ces préparations ne vont pas au-delà de huit jours. On arrive enfin au moment de l’inoculation. Alors on se rapproche de la demeure de l’enfant varioleux dont on a fait choix d’abord. Je dois faire observer