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naire, & quelquefois accompagnée de vertige. On la connoît aussi par les lassitudes, les engourdissemens des membres, ce qui se manifeste par la position contre-nature de leurs extrémités, par la peine qu’ils ont de les fléchir & de les étendre, par la difficulté de la respiration, par la plénitude du pouls, par le gonflement des veines, par celui des caroncules lacrymales, &c.

Cependant ces derniers symptômes manquent quelquefois ; il est des cas où le pouls, au lieu d’être gros, est si petit, qu’on a peine à le trouver ; les veines ne paroissent point enflées, les caroncules, l’intérieur de la bouche, &c. sont plus pâles que dans l’état naturel, & néanmoins il y a pléthore ; c’est même parce qu’elle est excessive, que ces indices sont trompeurs ; car l’abondance du sang est si considérable, que les forces du cœur ne suffisent pas pour le chasser en entier. Les ventricules ne pouvant se vider dans les artères trop remplies, il n’y en pousse qu’une très-petite portion, laquelle ne produit qu’une dilatation imperceptible. Le pouls est donc petit, le total de la masse formant une charge trop lourde, le cœur n’a pas la force de faire parvenir le sang jusque dans les capillaires. Ainsi la circulation est comme suffoquée ; & les parties qui ont naturellement de la couleur, en sont absolument privées. C’est dans ce cas que la saignée développe le pouls, & donne lieu à la fièvre d’éclater tout à coup.

Ce cas d’une circulation suffoquée peut se rencontrer avec l’état d’une inflammation particulière très-violente, & qui dégénéreroit bientôt en gangrène, si l’on n’y remédioit ; parce que, c’est lorsque les viscères sont excédés de plénitude, que les plus forts se déchargent sur les plus foibles, & y produisent l’érétisme inflammatoire.

Comment donc savoir alors que la pléthore est la cause principale de l’affection morbifique ? La manière dont on a nourri l’animal, l’embarras qu’on remarque dans sa respiration, la gêne qu’il éprouve lorsqu’il meut ses extrémités, son penchant à dormir, les rêves qui traversent son sommeil, l’absence des causes qui peuvent rendre son pouls si petit, tels que la saburre des premières voies, la vivacité d’une douleur assez aiguë pour affaiblir, des évacuations abondantes, ou une abstinence outrée qui auroit précédé ; presque toutes ces circonstances rapprochées de la dureté du pouls, quelque délié qu’il soit, & de la véhémence de l’inflammation particulière, apprennent que la disposition des veines, la modération de la chaleur générale, la petitesse, la foiblesse du pouls sont des effets d’une circulation suffoquée, & que la bénignité de ces derniers symptômes ne s’oppose point aux saignées qui peuvent seules prévenir le changement de l’inflammation en gangrène.

Or, ce diagnostic est de la plus grande importance dans certains cas où l’on n’a qu’un moment pour empêcher la mortification par des saignées réitérées, & où cependant l’état des choses est si équivoque qu’un praticien peu exercé pourroit douter si le calme dans lequel il trouve son sujet, n’est point l’effet de la mortification déja commencée