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il est plus que probable que leur méthode est à préférer à toute autre dans les climats analogues à celui de Paris. Cette double transplantation me paroît superflue dans les provinces plus méridionales ; mes fraisiers réussissent très-bien sans ce secours.

II. De la préparation du terrain, & de la plantation. Dans les pays où l’on arrose avec les arrosoirs, on dresse des planches de quatre à cinq pieds de longueur, après avoir bien défoncé le terrain, & l’avoir, s’il est compacte, rendu meuble par l’addition du sable & du terreau, parce qu’il est rare que le fraisier réussisse dans les terres fortes, & sur-tout les espèces américaines. Les planches de cinq pieds de largeur me paroissent un peu trop larges, ne peuvent être travaillées, & sur-tout sarclées aisément. J’aimerois mieux les réduire à quatre pieds & demi au plus.

Entre chaque planche on doit laisser un sentier d’un pied pour faciliter le travail, & après chaque labour donné aux fraisiers, on doit travailler également le sol du sentier, parce que les pieds plantés sur les bords d’une planche de quatre pieds à quatre pieds & demi, en profitent.

Dans les provinces où l’on arrose par irrigation, (voyez ce mot) on prépare les ados, & on plante sur le milieu de l’élévation de l’ados, & non dans le fond où la plante pourriroit, ni sur le sommet, parce qu’elle seroit déracinée par le premier travail qu’on donneroit à la terre, attendu que la plante qui se trouvoit à droite de l’ados, lors de la plantation, se trouve à gauche de ce même ados, lorsqu’on travaille la terre. Je n’entre pas dans de plus grands détails sur cette manière de travailler, parce qu’elle sera décrite fort au long au mot Irrigation. Cette méthode ne suppose point de planches séparées ni de sentier ; parce que chaque sillon devient lui-même une espèce de planche, & le creux qui se trouve entre deux, devient un sentier dans le besoin.

Dans l’une ou dans l’autre méthode, l’ouvrier doit planter au cordeau, afin de laisser la liberté de biner & de sarcler commodément.

Plusieurs écrivains sur le jardinage, recommandent qu’on mette beaucoup de fumier dans la fosse destinée à recevoir le fraisier. À moins qu’il ne soit réduit en terreau bien consommé, je ne le conseille pas, il altère singulièrement le parfum des fruits. Dans les pays méridionaux il brûleroit la plante malgré les irrigations. S’ils le conseillent dans la vue d’empêcher l’évaporation de l’humidité, je préférerois des feuilles quelconques étendues sur le sol. Enfin si on veut employer du fumier, que ce soit avant l’hiver ; les pluies de cette saison ont le temps de le délaver, & la paille qui restera au printemps tiendra lieu en partie seulement de la couche des feuilles.

La grosseur à laquelle la touffe parvient indique l’espace nécessaire à laisser d’un pied à l’autre. Par exemple, les fraisiers des mois & des bois sont suffisamment espacés à dix ou douze pouces, & le fraisier ananas & celui du Chili de douze à quinze. Si le pied est fort, vigoureux, chacun suivant son espèce, un seul, suffit, & deux tout au plus s’ils