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successivement, & enfin prendre un volume considérable. Sur les deux heures de l’après-midi l’incendie s’étendit dans le bois, de manière qu’à la fin du jour tout fut généralement enflammé, & les secours, quoique très-multipliés, furent inutiles. D’Angoulême & de Périgueux on appercevoit la lumière éclatante que répandoit cet embrasement : on peut juger par ces distances quelle fut son activité,

Il faut observer que le sol de cette forêt est composé d’une couche de tourbe, seulement de quelques pieds d’épaisseur, de 18 à 48 pouces dans la plus grande totalité. Cette couche est sur une couche d’argile. Les plantes, les arbres, la tourbe, tout a été calciné & réduit en cendres, à l’exception de quelques endroits sablonneux, & par compartimens.

Depuis plusieurs jours le temps étoit très-chaud, & le soleil étoit brûlant. Le 8 septembre l’incendie se propagea sous le vent comme sur le vent. Le centre du foyer d’où s’éleva la première colonne de fumée étoit dans des pépinières très-fortes, très-fourrées, feuillées.

Depuis l’époque de cet embrasement, la superficie du sol s’est affaissée dans divers endroits depuis dix jusqu’à quinze à dix-huit pouces. L’affaissement est relatif à l’épaisseur de la couche de tourbe. Ainsi l’épaisseur actuelle de la couche de cendres, varie depuis 4 jusqu’à 8 pouces. Depuis cette époque l’herbe ne sauroit y croître, & il faudra peut-être 30 années pour que du gazon couvre la superficie de la cendre.

Il y a environ 50 ans, à dater jusqu’en 1774, qu’une forêt voisine de celle dont on parlé fut incendiée. Elle en étoit séparée seulement par un chemin, & portoit sur une semblable couche de tourbe.

D’après les perquisitions les plus exactes, il n’a pas été possible de découvrir le plus léger indice capable de faire soupçonner que le feu avoit été mis, ou par imprudence ou méchamment. On a seulement dit que le papier qui servoit de bourre au fusil d’un chasseur pouvoit avoir causé l’embrasement : mais comment un petit morceau de papier qui, dans cet état d’ignition le consume sans flamme, auroit-il pu incendier l’herbe du voisinage, précisément dans le milieu de la forêt ; & dans une pépinière très fourrée, très-feuillée, & haute de 12 à 15 pieds, & sous l’ombre épaisse de laquelle aucune plante ne pouvoit végéter, enfin, dans l’endroit le plus frais de la forêt ?

Il existe un ancien usage dans ce canton ; lorsque l’on passe des baux à ferme, on y prévoit & stipule le cas de pareils incendies ; ce qui prouve qu’ils y sont anciennement connus.

Ici la couche de tourbe diffère des autres tourbes en général, dont les couches ont une très-grande épaisseur, & sont communément situées dans le voisinage des rivières, & peu élevées au-dessus de leur lit. Alors la tourbe, semblable à des tubes capillaires, pompe l’eau, se maintient fraîche jusqu’à sa superficie, & brave les plus dévorantes chaleurs. Ici au contraire, la tourbe porté sur une couche de glaise, & n’a d’autre humidité que celle fournie par les pluies. Il n’est donc pas extraor-