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guerrier armé de pied en cap, y est représenté par deux ifs qui forment les deux jambes, & le tronc des deux arbres réunis, dessinent avec leurs branches & leurs feuilles, la figure de l’homme, son habillement & son armure. Un des deux ifs a perdu le feuillage à un pied ; en sorte que le guerrier semble avoir une jambe desséchée où il ne reste plus que l’os. Deux autres ifs accouplés, représentent une princesse avec un grand panier, & une figure à l’antique ; & son page qui lui porte la queue, est en buis.

Les quatre élemens sont personnifiés ; l’eau, par un pêcheur ; l’air, par un chasseur ; la terre, par un jardinier qui tient en main un navet ; le feu, par un homme qui fume sa pipe. Je ne finirois pas si je voulois rapporter les figures aussi ridicules que déplacées, dont on a cru décorer les jardins. Heureusement cette mode gothique se passe ; mais on la supplée par des colifichets qu’on décore mal à propos du nom de jardins anglois, de jardins chinois : ils le sont en effet ; mais c’est le relief des jardins qui mérite cette dénomination.

L’if se multiplie par graine qu’on sème aussi-tôt qu’elle est mûre ; on l’enterre avec sa pulpe, si on veut qu’elle lève au printemps suivant ; cependant, malgré cette précaution, plus de la moitié restera deux ans en terre avant de lever ; il faut choisir des expositions au nord, si la terre est douce, friable & végétative ; il est inutile d’en préparer de nouvelle, sinon en faire une d’avance avec les débris des feuilles d’arbre ou de plantes réduites en terreau ; mais comme cette terre auroit trop peu de consistance, & que son humidité s’évaporeroit très facilement pour peu que l’on habite un pays chaud, il convient de mélanger ce terreau végétal, avec une égale quantité de bonne terre de jardin.

L’année révolue, & avant l’hiver, on lèvera les jeunes plants avec toutes leurs racines adhérentes à la terre, s’il se peut, & on les portera dans une pépinière au nord, ou dans un lieu assez ombragé par des arbres. La distance d’un plan à un autre doit être de douze à quinze pouces.

On le multiplie encore par marcottes & par boutures.

L’if, par la multiplicité de ses racines, détruit les plantes de son voisinage. Je sais par expérience, que des arbres fruitiers plantés dans le terrain d’où l’on avoit arraché les ifs qui le couvroient, y ont très-mal réussi pendant plus de vingt, ans ; on n’a pas cessé d’en replanter de nouveaux, & la masse totale est foible & languissante. Il auroit fallu renouveler ce terrain, & c’est ce qu’on n’a pas fait.

Les auteurs ne sont point d’accord sur les propriétés médicinales de l’if. Les continuateurs de la matière médicale de M. Geoffroy, cherchent à justifier l’if, malgré l’opinion des anciens, des qualités délétères qu’ils lui supposoient. Nous avons vu, disent-ils, plusieurs fois des enfans manger des baies d’if au jardin du roi à Paris, sans aucun mauvais retour. Dioscoride dit que celui qui naît en Italie & dans la Gaule narbonnoise est venimeux, tandis que celui qui naît dans d’autres pays ne l’est pas. Cette différence dans les qualités de certaines plantes