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butique, ni infecté d’aucun autre vice. On évacuera les eaux graduellement, pour éviter les foiblesses & les syncopes qui pourroient survenir de la trop prompte évacuation des eaux.

De l’anasarque, ou leucophlegmatie. De toutes les espèces d’hydropisies, il n’en est pas de plus fréquente & de plus évidente que celle dans laquelle les eaux s’épanchent sous la peau, & qu’on appelle anasarque ou leucophlegmatìe.

Elle diffère de la phlegmatie, en ce que dans celle-ci les extrémités inférieures enflent le soir, & le matin l’enflure disparoît, au-lieu que dans l’anasarque toutes les parties du corps sont plus enflées le soir, surtout les joues & les paupières.

La suppression des règles chez les femmes, celle des hémorroïdes chez les hommes, celle de l’urine, d’une diarrhée, ou de quelque ulcère peuvent occasionner cette maladie ; mais la cause la plus ordinaire selon Monro, est le relâchement & la foiblesse des fibres ; car, selon lui, « lorsque les vaisseaux n’agissent point avec une force suffisante, les fluides deviennent d’une consistance aqueuse, & les orifices des artères exhalantes, étant trop foibles, laissent passer une plus grande quantité de liqueurs qu’à l’ordinaire, tandis que les veines qui sont affaiblies & relâchées pour le moins en égale proportion, ne sont point en état d’en absorber autant qu’elles avoient coutume de faire dans l’état de santé ». Cet état de foiblesse peut être occasionné par une vie molle & sédentaire, par de grandes pertes de sang, & de fortes hémorragies ; par le défaut d’exercice, une boisson trop abondante, des maladies très-longues, par l’abus des purgatifs & celui des liqueurs spiritueuses qui stimulent & raccornissent les solides, en même temps qu’elles coagulent les fluides, & enfin par tout ce qui peut gêner la circulation du sang dans les gros vaisseaux, & de la lymphe dans ses propres vaisseaux.

Elle s’annonce au commencement, par l’enflure des pieds & des chevilles, qui est toujours plus considérable le soir, & qui disparoît le matin. Cette enflure est œdémateuse ; l’impression des doigts y forme une espèce de trou, elle augmente, & gagne peu à peu tout le corps ; elle devient quelquefois si considérable, que le malade se trouve, pour ainsi dire, cache ou noyé sous l’enflure. La fièvre lente succède à cet état ; elle redouble le soir : les urines deviennent de jour en jour plus rares, le malade se sent plus pesant, & est tourmenté par la toux.

Pour parvenir à la curation de l’anasarque, il ne faut pas perdre de vue les causes qui l’ont produite, & leur opposer les remèdes convenables. Si elle vient de la foiblesse des solides, on fortifiera les fibres en donnant aux malades des alimens nourrissans & de facile digestion. On leur donnera, plusieurs fois dans la journée, un petit verre d’une infusion aqueuse de sauge, ou du vin dans lequel on aura fait digérer de la camomille, ou de la petite centaurée : on leur fera manger, au moins une fois par jour, sur-tout le matin, la rôtie au vin ; on les frictionnera avec des linges imprégnés de la fumée des plantes odoriférantes, telles que