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hémorragies internes, celles du nez sont toujours l’annonce d’une dissolution des humeurs, & d’une mort prochaine.

Les grands buveurs, les ivrognes de profession, les vieillards, ceux qui habitent des régions froides & marécageuses qui avoisinent les montagnes, les personnes cachectiques, les scorbutiques & les goutteux, sont sujets à cette maladie. Il est des routes inconnues par où la nature s’est quelquefois débarrassée des eaux ramassées dans le bas-ventre, sans qu’il parût d’excrétion augmentée : c’est par la résorption des eaux épanchées dans les membranes des intestins ou du péritoine. Mais on ne peut point expliquer ce repompement, parce que ni les selles, ni les urines, ni les sueurs, n’ont pas été plus abondantes.

Mead rapporte l’observation d’un marchand auquel on avoit déjà fait deux fois la ponction, & dont les eaux disparurent la veille du jour qu’on devoit la réitérer pour la troisième fois ; dans ce cas, l’art ne peut point aider la nature, parce que le médecin ne sauroit prévoir ni le temps, ni sa manière d’agir.

Le médecin doit se prêter aux goûts & aux fantaisies singulières que les malades ont pour certains alimens qui n’ont rien de dangereux. Fabre, chirurgien, rapporte qu’un médecin à qui on avoit déjà quatre fois fait la ponction inutilement, se guérit en mangeant du sucre & des fèves dont il avoit eu une envie démesurée. J’ai vu des hydropisies céder à la diarrhée, au vomissement. Il faut alors seconder ces crises salutaires par des remèdes appropriés. Si la nature prend la voie des sueurs & des urines, il faut l’aider dans ses opérations. On a vu des hydropisies guéries par des ouvertures au bas-ventre, à l’occasion de quelque chute. Monro, chirurgien-major de l’Hôtel-Dieu de Paris, a vu une femme hydropique depuis un très-long-temps, & qui avoit subi la ponction sept à huit fois, être guérie à la suite d’une chute qu’elle fit sur le bas-ventre, qui procura l’évacuation d’une si grande quantité d’eau, que sa chambre en fut toute inondée ; enfin, quand la nature ne veut point agir & nous refuse ses bienfaits, il faut avoir recours aux remèdes que l’art suggère.

Les indications curatives que l’on doit se proposer, ont pour objet, 1°. l’évacuation des eaux ; 2°. le rétablissement des forces de la constitution ; 3°. la résolution des embarras & autres vices qui entretiennent la maladie.

1°. Il faut commencer par des évacuans doux, afin de sonder la nature, & examiner s’ils évacuent sans affoiblir le malade, pour passer à de plus énergiques.

Les évacuans forts seroient nuisibles, si les intestins étoient altérés, ou dans un état de phlogose, ce qui est annoncé par des douleurs que le malade ressent au bas-ventre, & par la difficulté de respirer, & par la sécheresse de la langue. Ils produiroient une inflammation qui pourroit bien dégénérer en gangrène ; ce qui est prouvé par l’ouverture des cadavres. On connoît leurs mauvais effets, en ce qu’ils énervent, jettent les malades dans un état de foiblesse, & reproduisent une nouvelle crue d’eau ; il vaut mieux s’en