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les pores des corps, soit des animaux, soit des végétaux, s’insinuer dans toutes leurs parties, parcourir les sinuosités de leurs vaisseaux, & porter de tous côtés la fraîcheur & la vie. Lorsque l’air est trop sec, il y a une espèce d’âpreté qui le rend, pour ainsi dire, corrosif & dévorant. Il lui faut une certaine quantité d’eau, il la cherche, la dissout, & l’enlève à tous les corps qu’il touche. Cette soustraction de cette portion d’humidité est souvent la cause de très-grands ravages dans les deux règnes, comme on le verra au mot sécheresse. On a imaginé plusieurs instrumens propres à connoître les différens degrés d’humidité dont l’atmosphère se trouve surchargée, & on leur a donné le nom d’hygromètres. (Voyez ce mot).

Examinons ici quelles peuvent être les influences de l’humidité sur les animaux & sur les plantes.

I. Influence de humidité par rapport à l’homme. L’humidité atmosphérique n’étant, comme nous l’avons vu, qu’un amas de molécules aqueuses, tenues en dissolution par l’air, ou flottantes dans son sein, en raison de leur légèreté spécifique, elle doit avoir sur les animaux la même influence que l’eau. Ainsi, l’humidité des brouillards, des vapeurs, des nuages, des bains, n’est que l’eau appliquée ou déposée sur la surface du corps : tant qu’elle n’est que modérée & accompagnée d’une douce chaleur, & que l’on n’y est pas exposé trop long-temps ; alors cette humidité peut être salutaire, parce qu’elle pénètre à travers les pores de la peau, &c va rafraîchir la masse du sang ; mais il ne faut pas qu’elle repose habituellement à leur superficie, ce qui arrive lorsqu’on vit dans un air perpétuellement humide, ou qu’elle imprègne les habits dont on est couvert ; elle occasionne alors un relâchement dans les fibres, parce qu’elle s’oppose à l’évaporation de l’eau surabondante que la transpiration insensible pousse continuellement au dehors, & qu’elle les entretient dans un état de mollesse trop forte. Elle occasionne encore l’amas & la stagnation des humeurs qui dégénèrent insensiblement en maladies de langueur, en fièvres intermittentes, catarres, rhumes, rhumatismes ; &c. &c ; le scorbut même, lorsqu’on est long-temps exposé à l’humidité marine. Ces effets sont bien plus prompts & plus énergiques lorsque la froidure s’empare de l’atmosphère au moment où elle est imprégnée d’humidité. L’excès opposé n’en est pas moins à craindre, & lorsque l’humidité règne avec une température chaude, elle donne bientôt naissance aux maladies putrides & gangréneuses. Le vent du midi amène ordinairement cet état funeste de l’atmosphère, & lorsqu’il domine long-temps, il est rare qu’il n’entraîne après lui des maladies épidémiques.

Il est une autre sorte d’humidité peut-être encore plus dangereuse, parce qu’elle est plus tenace & plus constante ; c’est celle qui suit les inondations, & qui se concentre dans les lieux qui ont été couverts d’eau. Cette humidité visqueuse adhère à tous les corps qu’elle touche d’une manière particulière, & entretient perpétuellement autour d’elle une atmosphère aqueuse. L’explication de ce singulier phénomène