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combinaison, & de leur dépôt qui en est la suite. Il ne faut pas confondre ce dépôt avec celui des huiles ; aussitôt après la sortie du moulin, ce dépôt n’étoit qu’un mucilage surabondant, tandis qu’ici c’est un mucilage de décomposition tenu en dissolution dans l’huile par l’air, & qui donnoit des entraves, & masquoit au goût l’huile essentielle contenue dans l’huile grasse. C’est ainsi, mais dans un sens contraire, que l’air tient en dissolution plusieurs substances dans les eaux minérales, acidulées, & qui, malgré cela, paroissent de la plus grande limpidité ; mais si cet air de combinaison s’échappe, elles deviennent troubles & déposent.

J’ai insisté sur la présence & sur la nécessité de conserver cet air fixe préparé par les mains de la nature dans le fruit, depuis le moment qu’il est noué, jusqu’à ce qu’il soit mis sous le pressoir, parce que je regarde sa conservation comme tenant en équilibre tous les principes qui entrent dans la formation de l’huile ; or, comme cet air est le plus mobile, le plus actif, & le vrai lien des corps, il ne peut se dissiper sans désagréger les autres principes dont les plus forts ont plus d’action & d’énergie sur les plus foibles. Tel est le point fondamental d’où dépend la conservation de la qualité d’une huile quelconque. Si on compare & si on adopte les principes que je viens d’établir aux manières ordinaires de conserver les huiles, on verra combien on s’écarte du but. Reprenons la suite des manipulations.

Lorsqu’on rapporte l’huile du moulin, plusieurs particuliers le contentent de la transvaser des outres dans de grands vaisseaux vulgairement appelés jarres, ou dans des piles, les unes & les autres fermées par un couvercle de bois. La jarre est en terre cuite, vernissée en dedans ; sa forme est celle d’une urne tronquée à ses deux extrémités, & renflée dans le milieu. Quelques-unes contiennent depuis un jusqu’à quatre ou cinq quintaux d’huile. La pile est un assemblage de cinq dalles ou pierres taillées, à grain dur & nullement spongieux, assemblées comme pour un bassin ; effectivement c’en est un. Il y en a qui tiennent jusqu’à dix quintaux. Dans certains endroits, ce sont de grands coffres en bois, doublés en fer blanc, & plus souvent en plomb ; ces derniers sont très-dangereux, & devroient être prohibés, parce qu’il s’y forme du sucre de saturne très soluble dans l’huile. Les autres sont moins dangereux, mais ils exigent souvent des réparations.

On n’attend pas, en général, que l’huile soit dépouillée de ses premières crasses pour les jeter dans ces vaisseaux ; elles passent l’hiver sur leur dépôt ; & lorsque la chaleur du printemps a fait défiger l’huile, à peine daigne-t-on l’enlever de dessus son marc. Ce marc est alors d’un caractère tout opposé à celui de l’huile, puisqu’il ne sauroit s’y dissoudre, & qu’il est devenu miscible à l’eau dans tous ses points ; en un mot, c’est un vrai mucilage à nu. Or, l’on sait avec quelle facilité le mucilage se corrompt & se putréfie, dès-lors on doit juger combien un voisin si incommode & sur lequel porte la masse d’huile, doit l’altérer & la détériorer. Je le ré-